Dans le film « Flight », les excès d’alcool et de drogues de Whip, pilote de ligne joué par Denzel Washington, permettent de limiter la casse lors du crash d’un avion RJ-88 (ne cherchez pas, l’avion n’existe pas). Un merveilleux documentaire en quelques sortes, dont le principal public est constitué des personnes qui ne devraient justement pas voir ce film : ceux qui ont peur en avion… et qui posent ensuite des questions à son sujet lors des stages contre la peur de l’avion. Voyons si ce scénario est possible en 5 affirmations.
1) Un pilote peut boire ou se droguer sans être repéré
Un pilote comme Denzel Washington passe sa visite médicale tous les 6 mois, sans compter les tests surprises qui peuvent arriver à chaque instant. Sachant que les stupéfiants sont détectables dans les urines un gros mois après leur consommation, il est effectivement probable que de nombreux pilotes tentent leur chance. Après tout, ils ne risquent que leur carrière, leur vie et la prison, sans appel possible. Pour la question de l’alcool, je vous invite à lire l’article dédié au sujet en cliquant ici.
La vérité : le métier de pilote est le plus réglementé du monde, même plus contrôlé qu’un médecin. Les rares dérives sont donc très vite identifiées et « réparées ».
2) Les pilotes arrivent à l’avion en même temps que les passagers
C’est bien connu, les pilotes ne préparent pas leur vol et ne vérifient pas la météo de leur trajet. Et puis finalement, l’état de l’avion, ils le verront bien une fois le décollage réalisé. Ils ne vont quand même pas se fatiguer pour ces détails.
La vérité : Tout le trajet est étudié, les éventuels déroutement pour raison météo calculés, l’état de l’avion est vérifié par les équipes au sol puis contrôlé par un pilote et par l’avion lui-même qui sait détecter ses éventuels problèmes.
3) Les cumulonimbus, on les traverse parce que les turbulences c’est sympa
Évidemment, comme on découvre la météo après le décollage, parfois il y a quelques surprises. Par exemple quand on rencontre un petit cumulonimbus, et bien autant rigoler un peu et le traverser. Et à vitesse maximum s’il vous plaît, pour avoir plus de sensations. En plus les passagers adorent ça, les turbulences leur rappellent DisneyLand.
La vérité : Un avion ne traverse pas un cumulonimbus bien que du point de vue de sa solidité, il puisse y résister. Non seulement ces nuages sont détectables par le radar météo du bord, mais ils sont prévus avec un préavis de plusieurs heures par les météorologues présents sur chaque aéroport. Par ailleurs, les pilotes ralentissent dans les turbulences pour et ne poussent pas les moteurs à leur maximum comme dans le film dans lequel on frôle la vitesse maximale autorisée…
4) Quand l’hydraulique se dérègle, les moteurs prennent feu
Dans Flight, quand les systèmes hydrauliques tombent en panne, l’avion pique vers le sol, puis un moteur prend feu.Inutile de préciser que tous les systèmes sont indépendants et qu’il n’y a aucune raison que deux systèmes sans lien aient des problèmes au même moment, mais qu’il en soit ainsi, c’est juste une très mauvaise journée pour Whip et son avion. L’extincteur est alors enclenché, éteignant le feu et permettant au moteur de fonctionner correctement. Pas de bol, on refait la même opération sur le deuxième moteur qui prend lui aussi feu.
La vérité : Si un moteur prend feu, il y a effectivement des extincteurs (tout comme dans la soute). Mais lorsqu’ils sont activés, les valves d’essence, hydraulique et pneumatique l’éteignent pour de bon. Que fait-on si on n’a plus qu’un moteur alors ? Je vous rassure, on vole très bien sur un réacteur : un B777 peut par exemple faire 9 000 km dans ces conditions, soit Paris-Los Angeles d’une traite ! Les systèmes étant indépendants, les moteurs ne tombent pas en panne au même moment, le scenario présenté est donc impossible. Mais si on m’écoutait, il n’y aurait pas de film, ce qui serait dommage.
5) Si les systèmes hydrauliques ne fonctionnent plus, un petit looping les rallumera
C’est probablement la plus grande découverte scientifique dans le domaine de l’aéronautique de ces dix dernières décennies : un avion qui n’a plus d’hydraulique, et qui est donc difficilement contrôlable,
retrouve toutes sa manœuvrabilité pour passer sur le dos puis voler dans cette situation. J’avertirai Airbus et Boeing, ils seront heureux d’apprendre ça, ils pourront le rajouter dans les manuels de vol des pilotes.
La vérité : En 1955, le chef des pilotes d’essai de Boeing a effectivement tenté et réussi la figure du tonneau sur un Dash 80 (le prototype du Boeing 707) à deux reprises. Ça fait un bout de temps que personne n’a tenté la figure du tonneau dans un avion de ligne, mais théoriquement cela est possible du point de vue de sa solidité puisque les avions sont de plus en plus solides. Dans les faits, rien ne pourrait justifier une telle manœuvre, d’autant que des protections existent sur de nombreux avions pour empêcher le pilote de dépasser les limites en inclinaison.
Conclusion
Au final, la cause de l’accident vient dans le film d’un défaut mécanique sur la gouverne de profondeur, un problème issu d’un crash réel sur un MD-83 d’Alasaka Air en janvier 2000. Inutile de vous dire que lorsqu’un défaut a été détecté, tout est fait pour y remédier de manière définitive. C’est notamment cette longue histoire de l’aéronautique qui permet aujourd’hui d’atteindre un niveau de fiabilité et de sécurité aérienne si élevé, faisant de l’avion le moyen de transport le plus fiable existant. Rassurez-vous donc, les pilotes que vous rencontrerez sont fiables et ce genre d’événement totalement impossible. L’objectif est bien évidemment de faire du sensationnel, visuellement intéressant. D’après Craig Hoskin, coordinateur aérien sur le film, l’objectif était de ne pas en avoir fait trop afin de ne pas paraître ridicule et donner l’impression que l’événement est possible. Au vu du retour des stagiaires qui ont encore les images dans les yeux, je confirme : c’est un succès !
Interressant 🙂
Je viens de voir le film et comme j ai déjà fait le stage j avais repéré aussi certaines incohérences 🙂
Commentaires tout à fait intérressants et dignes de foi …
Seul petit bémol , si on écoutait ce sympathique pilote , plus aucun avion de ligne ne tomberait du ciel …
Sauf que 12 d’entre eux sont tombés au cours des 18 derniers mois …
Bonsoir,
L’an dernier, on a eu en tout et pour tout 4 accidents mortels pour les avions de transport de personnes de plus de 14 places : une compagnie sur liste noire qui cumule 8 accidents en 20 ans, une compagnie qui ne formait pas correctement ses pilotes à Taiwan, un attentat en Egypte et le Germanwings… Bien sur, il y a aura certainement toujours des accidents isolés, mais la fiabilité des appareils modernes et la formation adéquate des pilotes permet déja d’atteindre le risque zéro sur le plan technique et des pannes.
Dire que 2 systèmes indépendants ont peu de chance de tomber en panne en même temps est une réalité… Dire que c’est impossible est une absurdité…
En effet, j’aurais du dire « tendre vers zéro », et depuis 2009 il y a eu 160 000 000 vols sans que cela n’arrive 🙂
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Je me demande comment le protagoniste a passé un examen médical avant le vol? Le film est muet à ce sujet. La situation est presque irréel. Triste à dire, mais ce n’est pas le meilleur travail du réalisateur Robert Zemeckis (alors que le film « Rêver Plus Haut » – https://vfstream.co/2026-the-walk-rver-plus-haut-2015.html – est avéré bien)
Les moteurs prennent feu parce que l’avion est à l’envers. Logique que les 2 prennent feu.
Et le « pilote » pense qu’il n’a plus d’hydraulique. Mais tout va bien de ce côté. Il a simplement comme évoqué dans la conclusion un pb de compensateur. Donc je ne comprends pas trop cette phrase au début du point 5.
Il se met sur le dos pour contrer la force de la gouverne tout simplement. Le plus gros « couac » du film c’est surtout la traversée de la tempête.