Atlantico : Selon un sondage interne, les pilotes de la compagnie aérienne irlandaise Ryanair s’inquiètent du manque de la transparence sur la sécurité de leurs propres vols. On sait que le prix est un facteur déterminant dans le choix d’une compagnie. Jusqu’où peuvent aller les compagnies low cost pour réduire leurs coûts ? Faut-il avoir peur de prendre l’avion ?
Xavier Tytelman : En réalité, les pilotes de Ryanair ne mettent pas directement en cause la sécurité de leurs vols, mais estiment que la compagnie n’a pas « une culture de la sécurité ouverte et transparente ». Autrement dit, la remontée d’informations après un incident ne serait pas parfaite. Ce processus n’a rien de spécifique à une compagnie low cost et il est probablement perfectible chez de nombreux autres transporteurs. Une telle demande est donc tout à fait légitime et pourrait être observée ailleurs sans que cela n’indique un niveau de fiabilité à la baisse. Au contraire, les pilotes exigent toujours plus de sécurité, tout comme les passagers et les régulateurs.
Dans les faits, aucun accident mortel ne peut être reproché à Ryanair alors que la compagnie existe depuis 1984 et qu’elle est aujourd’hui le premier transporteur sur le continent européen. Un élément contribue par contre à l’impression d’insécurité qui existe face aux low cost : la communication adoptée par le patron de Ryanair, Michael O’Leary. Ce dernier a clairement choisi d’utiliser la provocation pour être présent dans les médias à moindre frais. Annoncer une surtaxe pour les personnes en surpoids, que les toilettes seront désormais payantes ou que les passagers vont pédaler pour produire l’électricité de l’avion, ça amuse ou ça choque, mais ça s’arrête là. Mais lorsqu’il annonce qu’il ne veut réaliser les vols qu’avec un seul pilote ou en entassant les passagers debout, la compagnie fait réellement penser que la sécurité est sacrifiée sur l’autel du bas coût. Personne ne croit à ces propositions au sein de l’industrie aéronautique, mais une impression s’est petit à petit installée dans le grand public : les low cost seraient dangereux. Dans les faits, il n’en est rien.
Les compagnies low cost sont-elles moins attentives à la sécurité pour proposer de tels tarifs ? Doit-on prendre le prix en considération lorsque l’on voyage ? Est-on plus en sécurité sur une grande compagnie que sur une compagnie low cost ?
Etre une société low cost, ça veut avant tout dire que l’on adopte une stratégie de chasse aux coûts dans de nombreux domaines. Côté compagnie, tout est optimisé : les avions volent plus et sont très modernes pour permettre une maintenance moins onéreuse, les employés travaillent davantage, les charges sociales sont payées en Irlande, les avions ne se posent que sur des aéroports secondaires et ces derniers s’engagent à verser des subventions très décriées aux compagnies, les personnels navigants payent leurs repas et leur tenue de travail… Côté passagers, le service client est faible voire nul, les sièges sont plus serrés, il n’y a pas d’écran pour le divertissement à bord, le taux de remplissage des avions est plus élevé et chaque option est facturée : bagage en soute, enregistrement au guichet, choix de la place, collation en vol… Tout cela évite aussi d’emporter des tonnes de bagages, de repas ou de magazines, et la compagnie fait alors voler des avions plus légers, donc moins gourmands en pétrole. Une économie de plus.
Et la sécurité ? Et bien il n’y a rien à dire dans ce domaine. Les pilotes ont les mêmes qualifications dans toutes les compagnies et réalisent leurs simulateurs deux fois par an, les temps de repos réglementaires sont strictement respectés, les emports de pétrole sont conformes à la réglementation (un avion part toujours avec au moins deux heures de pétrole supplémentaire par rapport à son trajet), et la maintenance est réalisée suivant les recommandations des constructeurs. Si au cours d’une vérification, un contrôleur se rend compte qu’une compagnie a volontairement omis l’une de ses obligations, la sanction peut être radicale. Le transporteur pourrait être inscrit sur la liste noire et tout vol lui serait alors interdit. La réglementation est trop stricte et les contrôles trop fréquents pour qu’une compagnie ose prendre un tel risque, low cost ou pas.
On pourrait faire un parallèle avec le transport ferroviaire. La compagnie Ouigo propose son trajet Paris-Marseille en TGV à partir de 10€ alors qu’il en coûtera souvent 10 fois plus cher avec la SNCF. La sécurité du train est-elle mise en cause ? Aucunement ! La différence se fait sur le service, le confort, les bagages, la gare desservie plus lointaine, tout comme pour le transport aérien.
Pour le passager, il n’y a donc qu’une seule question à se poser : les économies réalisées sur le prix du billet valent-elles vraiment les efforts consentis en termes de confort et de services ? Les Européens semblent avoir fait leur choix, et il est majoritairement positif.
Dans le choix d’une compagnie, faut-il se référer à la liste noire européenne des compagnies aériennes, à l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI), à l’approche des Etats-Unis qui demandent des audits internes ou encore à l’Association internationale du transport aérien (IATA) ? Quels critères permettent d’affirmer qu’une compagnie est « sûre » ?
L’aviation civile n’a jamais été aussi fiable que ces dernières années, avec un record de sécurité atteint en 2012 : seulement 15 accidents mortels pour 37 millions de vols, provoquant 414 décès pour 3 milliards de voyageurs transportés, et l’année 2013 promet de battre encore ce record. Mais ces chiffres rassurants cachent néanmoins de fortes disparités.
La Liste Noire européenne interdit à toute compagnie dont la fiabilité ne peut être garantie de se poser sur le territoire européen. Lorsque l’on décolle ou que l’on atterrit d’Europe, il n’y a donc aucune question à se poser : le vol peut être considéré comme totalement fiable, quel que soit le type de compagnie utilisé. Il en va de même dans les zones fortement réglementées comme l’Amérique du Nord où les contrôles sont très stricts, du même niveau que ceux constatés en Europe.
Mais la question de la sécurité se pose réellement lorsque l’on sort des sentiers battus, et particulièrement en Afrique qui cumule près des trois quarts des crashs. La quasi-totalité des accidents ont lieu dans des situations extrêmes. Le Népal multiplie ainsi les crashs sur ses pistes montagneuses en pente, l’Afrique a de grosses difficultés avec ses terrains non goudronnés, le Nigéria, l’Iran ou le Libéria n’entretiennent plus leurs avions, et les pays de l’ancien bloc soviétique n’ont toujours pas mis tous leurs vieux Antonov à la casse…
Malgré ces éléments peu encourageants, une liste peut néanmoins donner une indication fiable sur la sécurité d’une compagnie aérienne : l’Association Internationale du Transport Aérien ou IATA. Cette association a développé une norme mondiale pour la vérification de la sécurité des procédures d’exploitation des transporteurs aériens, et le résultat est sans appel : les 240 compagnies membres de l’IATA n’ont connu aucun accident mortel en 2012 alors qu’elles représentent plus de 93% du trafic mondial ! Avant de choisir un vol local dans un pays sur lequel un doute existe, vérifiez simplement si la compagnie fait bien partie de l’IATA. Si c’est le cas, vous pouvez réserver sans crainte.
Interview réalisée le 15 aout et publiée sur le site Atlantico, accessible en cliquant ici.