Article en Une du journal Ouest France du 8 mai 2014 :
« Le mystère autour de la disparition du Boeing de la Malaysia Airlines, il y deux mois, avec 239 personnes à son bord, alimente les phobies.
À Paris, le Centre de traitement de la peur en avion propose des stages pour s’y confronter. Au menu : gestion de l’anxiété et simulation de vol.
Palpitations, mains moites, bouffées d’angoisse : « J’ai l’impression d’avoir les sens décuplés dans un avion ». D’être « écrasé » dans le siège après avoir quitté le tarmac. « Je ne peux pas regarder à travers le hublot… » Claire, Cédric et James sont de grands phobiques de l’avion.
Les scénarios catastrophes passés au crible
Ce dimanche, ils participent à un stage d’une journée au Centre de traitement de la peur en avion, à Paris. Moyenne d’âge : 30 ans. Un café à peine versé dans les tasses, les interrogations fusent. « Pourquoi éteindre les lumières au décollage ? » « Que signifient tous ces bruits ? » « Et les signaux des ceintures qui se rallument en plein vol ? »Face à eux, Margaux Ferrand, psychologue, et Xavier Tytelman, expert en sécurité aérienne. « On éteint les lumières au décollage pour ne pas éblouir le pilote. Les bruits viennent des mécanismes hydrauliques, mécaniques et de la climatisation. Quant aux signaux, ils s’allument lors de turbulences… qui ne représentent plus de risques depuis trente ans. »Regards perplexes, moues dubitatives. « Vous pensez qu’un avion descend beaucoup lors de turbulences ? » s’enquiert l’expert. « Au moins de cent mètres », estime un participant. « Non, de vingt centimètres. Mais le ressenti à 900 km/h peut être décuplé. » Dépressurisation, coupures d’électricité, foudre, sécurité du cockpit… Jusqu’au manche – « Peut-il casser et rester dans les mains du pilote ? » Les scénarios catastrophes sont passés au crible.
« Environ 20 % de personnes n’arrivent pas à prendre l’avion en Europe », pointe Margaux Ferrand. Pour James, Britannique expatrié à Paris, salarié dans la banque, cela fait douze ans que ça dure. « La dernière fois, c’était entre Strasbourg et Paris. J’étais à côté d’une personne qui avait peur. J’ai vu une hôtesse de l’air toute blanche et me suis dit : ‘Ça y est, il y a un truc !’ » Depuis, il préfère les trains. Comptez « vingt heures et plus » pour un aller en Espagne…Son anxiété, comme celle des autres stagiaires, est montée « crescendo » au fil des ans. Claire, 33 ans, évolue dans le milieu marketing. Elle confie : « Des catastrophes comme le vol Rio-Paris en 2009, ou la Malaysia Airlines l’entretiennent. » « Avez-vous une idée sur le vol MH370 ? » rebondit un participant.
« Pour moi, c’est une action volontaire, tranche Xavier Tytelman. Le pilote a coupé le transpondeur qui sert à communiquer avec le sol. L’appareil est passé à la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie, sans déclencher d’alarme… Le pilote a voulu se suicider. »Silence dans la salle. Cédric, 26 ans, étudiant en médecine à Lyon, raconte son dernier vol, il y a un an : « J’étais agrippé au siège de devant. J’ai dû prier 250 fois en une heure… C’était l’horreur. » Il prévoit de s’envoler pour la Thaïlande, cet été, avec sa petite amie : dix heures de vol. « J’ai hésité à participer au stage (430 € la journée…). Mais si je n’affronte pas cette phobie, elle me poursuivra toute ma vie. »
Aux commandes
En fin de journée, il est invité, comme les autres stagiaires, à prendre les commandes d’un simulateur de vol. Il s’installe aux côtés de Nabih Ben Khelil, pilote chevronné. «Détendez-vous.» Pieds sur le palonnier (pédales). Mains sur le manche. Des signaux s’allument. « Allez on y va ! » Décollage de l’aéroport de New York. « On continue de monter. »Le voyage dure quelques minutes. L’appareil amorce sa descente. « Ça a été ? » « Oui. En décomposant, on voit que tout est logique, maîtrisé », répond Cédric, encore fébrile. Xavier Tytelman explique : « Il est impossible de s’échapper d’un avion, contrairement à une voiture. Il faut travailler sur le lâcher-prise. Nous utilisons le simulateur de vol depuis 2011. Une vraie évolution. L’expérience visuelle marque l’esprit de façon positive. »
« Bien respirer, avec le ventre »
Pour prévenir les crises d’angoisse, Margaux Ferrand rappelle « de bien respirer, avec le ventre, pour éviter que le coeur s’emballe ». Elle égrène les astuces. Avant le vol, imprimer ses billets et les mettre en évidence, regarder des avions décoller. Pendant le vol, jouer ou écrire pour se concentrer. « C’est difficile de désapprendre une peur, car les émotions sont liées à la mémoire. Pour désensibiliser à long terme, il faut répéter l’exposition. »Après le stage, Claire aura été la première à se confronter à sa phobie. Elle s’est envolée quatre jours après pour Nice et a, depuis, enchaîné trois vols. « Elle n’est pas revenue vers nous, ce qui est bon signe », rapporte Xavier Tytelman. Quant à Cédric, il a réservé ses billets pour la Thaïlande.
Centre de traitement de la peur en avion, à Paris, Marseille, Lyon, Toulouse.
Rens. 09 51 83 05 80. »
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