Il existe un principe en aéronautique appelé la redondance. Cela signifie que n’importe quelle fonction de l’appareil comme le fait de se positionner, fournir de l’électricité ou freiner, peut être réalisé par plusieurs systèmes différents, ces systèmes existant en général en plusieurs exemplaires. Pour qu’un instrument ou un système se trouve dans un avion, il est conçu pour subir moins d’une panne par milliard d’heure d’utilisation…. Cette probabilité quasi-nulle et le concept de redondance doivent ainsi permettre que toutes les fonctions nécessaires au vol soient toujours assurées. Mais que se passerait-il si une panne survenait malgré tout ?
Voyons l’exemple d’une situation nécessitant un atterrissage d’urgence, et soyons clair : un atterrissage d’urgence ne signifie pas qu’il y a une urgence vitale pour l’avion, il s’agit simplement d’une précaution imposée par les opérateurs et destinée à assurer une sécurité totale. En moyenne, un avion de ligne survolant l’Europe pourrait se poser en 8 minutes s’il y avait une réelle situation d’urgence.
Prenons maintenant un exemple réel au sein de la compagnie Air France : le vol AF6222 du 16 octobre 2013 entre Paris et Nice opéré par un Airbus A320, et qui avait du se poser « en urgence » à Lyon suite à une panne sur ses circuits hydrauliques. Un A320 possède trois circuits hydrauliques. Au cours de ce vol, un circuit tombe en panne et un deuxième commence à surchauffer. La réglementation impose donc à l’avion de se poser, bien que l’avion soit conçu pour continuer à voler sur un seul circuit, et les pilotes prennent donc la décision de se poser sur l’aéroport de Lyon. Même s’il ne s’agit que d’une mesure de précaution, toutes les procédures de sécurité sont alors activées, provoquant mauvaises interprétations et articles anxiogènes dans la presse. Parmi ces mesures, on parle « d’atterrissage d’urgence » (le mot urgence a une connotation particulière en aéronautique !), la préparation des passagers à atterrir en « position crash » dans le cas d’une éventuelle sortie de piste ou à évacuer l’avion, la mise en alerte des pompiers de l’aéroport qui vont attendre l’avion au bord de la piste puis le suivre jusqu’à son parking, puis l’accueil des passagers par des équipes de protection civile ou des psys pour les rassurer…
Lorsque quelque chose sort de l’ordinaire dans l’aéronautique, les médias adorent. Alors qu’il ne s’était rien passé, cet atterrissage a fait la une des journaux, et la répétition de ces non-événements avec leur interprétation négative donne l’impression que l’aéronautique est dangereuse, alors que c’est justement les précautions extrêmes prises par le secteur et la rareté des événements qui permet à la presse d’en faire un article à chaque fois. Par comparaison, il serait intéressant de mesurer la couverture médiatique des 15 trains qui ont subi une collision ou un déraillement au sein de l’Union Européenne le mois dernier (on dénombre 180 déraillements et collisions chaque année dans le rail européen ainsi que plus de 2000 incidents sérieux).
Bref, se poser avant la destination n’a rien de sensationnel, et la réglementation impose de se poser pour des pannes de moins en moins graves. A titre de comparaison, un Boeing 747 de British Airways a réalisé en 2005 un vol entre la Californie et la Grande-Bretagne malgré le fait que l’un de ses moteurs soit tombé en panne pendant le décollage… un seul moteur est suffisant pour faire décoller un bimoteur ou maintenir en vol un quadriréacteur comme le B747, cette situation n’était donc pas suffisamment critique pour imposer un atterrissage d’urgence. La panne a été rendue publique comme à chaque fois, mais aucun passager n’a rien su, la presse n’a pas fait le moindre article et les anxieux s’en portaient mieux. Mais la réglementation a évolué et une telle situation impliquerait aujourd’hui un atterrissage d’urgence avec les conséquences que l’on connaît…
Une question revient alors souvent au cours des stages : les pilotes ne peuvent-ils pas « choisir » d’ignorer une panne pour éviter un déroutement ? Et bien non. Déjà parce qu’ils sont responsables de la sécurité de chacun des occupants de l’appareil (à commencer par eux-même), mais aussi parce qu’il existe dans les avions un système de communication appelé ACARS et qui permet notamment d’envoyer des rapports techniques à la compagnie aérienne, au constructeur de l’avion et au fabriquant du moteur. Cela permet aux équipes au sol de gagner du temps en se préparant à contrôler certains matériels qui ont été signalés défectueux, et cela empêche également une éventuelle volonté de fermer les yeux (ce qui, encore une fois, n’arrive jamais vu les enjeux).
Les pannes sont donc rares, la plupart du temps sans incidence sur la sécurité du vol, mais elles engendrent tout de même des conséquences qui peuvent être mal perçues. La maintenance et la fiabilité des systèmes sont aujourd’hui d’une qualité incroyable. D’ailleurs, si l’on observe les accidents depuis cinq ans, on peut remarquer qu’il n’y a plus aucun accident pour cause technique en dehors des compagnies classées sur les listes noires ou sur les avions soviétiques encore en activité ! Un détournement (MH370), un avion abattu par un missile (MH17), une erreur de pilotage (B777 d’Asiana à San Francisco en juin 2013 provoquant 2 morts) ou des situations liées à la météo pour des avions turbopropulsés (c’est-à-dire à hélice) au Laos en 2013 et Taiwan en 2014… Ca ne fait pas grand-chose lorsque l’on sait que plus de 80 000 vols sont réalisés chaque jour !
Qu’en est-il d’AF447 concernant la panne des sondes ?
C’est encore des erreurs de pilotage les trois pilotes sur ce vol n’on pas voulu faire confiance en ce que disais les alarmes d’urgence
Article très intéressant, mais qui m’amène à vous poser une question à la suite du crash d’un Airbus A320 de ce jour dans les Alpes-Maritimes. Compte tenu des redondances que vous expliquez dans votre article, est-il possible que tous les systèmes (moteurs, électriques, transmissions) tombent en panne en même temps? Car l’avion en question semble avoir chuté assez rapidement droit sur une montagne sans, semble-t-il, que des messages d’alerte soient envoyés, ou que l’avion ne se déroute vers d’autres aéroports, ou terrains planes. Votre point de vue de pilote et de spécialiste m’intéresserait. Merci d’avance.