Tous ceux qui souffrent d’une peur le savent, plus on évite une situation et moins on a de chance de pouvoir s’y habituer. Le traitement d’une phobie nécessite donc deux conditions: travailler sur les aspects cognitifs de la peur (c’est-à-dire apprendre à éviter que les pensées négatives ne reviennent en permanence à l’esprit), mais aussi s’exposer à la situation. Pour travailler sur la claustrophobie, l’exposition passera par exemple par l’enfermement dans une pièce large et ouverte, puis nous prendrons un tramway, un métro aérien puis sous-terrain, et enfin l’ascenseur… dans tous les cas, l’exposition doit être progressive, c’est cette progressivité qui fait la différence et qui rend l’évolution possible. Le cerveau se réhabitue petit à petit à la situation jusqu’à ce qu’elle soit perçue comme tolérable, puis il va réussir à la normaliser. Pourtant, dans la grande majorité des cas, la peur de l’avion s’accroit avec le temps et la répétition des vols, au grand malheur des voyageurs réguliers que nous rencontrons à chaque stages. Qu’est-ce qui explique cette particularité ?
Il faut en premier lieu comprendre ce qui se passe si l’on se force et que l’on prend un vol malgré la peur. Si la peur est déjà forte, on arrive à l’avion avec une anxiété très élevée et il est impossible de s’habituer puisqu’il n’y a pas de progressivité. Dans ce cas, le cerveau se braque encore plus et voudra encore plus éviter cette situation. De la même manière, si un claustrophobe était enfermé dans une cave, son anxiété s’accroîtrait encore. En avion comme pour toutes les peurs, il faut donc de la progressivité, et celle-ci y est impossible…
La progressivité en avion nécessite de trouver des techniques qui permettent de s’exposer : il faut trouver une situation désagréable et faire en sorte de s’y habituer. Si cela est gênant, il faut aller à l’aéroport, regarder des vidéos de décollage, mettre une photo d’avion en fond d’écran sur son téléphone, et si la peur n’est présente qu’une fois en vol on peut aussi participer à une séance dans un simulateur de vol. Et pas n’importe quel simulateur de vol, puisqu’une étude sur l’utilisation de la réalité virtuelle contre la peur de l’avion avait été conduite aux Etats-Unis par le Capitaine Tom Bunn. On avait alors mis aux patients un casque de réalité virtuelle reproduisant la situation du passager dans un vol afin de voir si une désensibilisation pouvait avoir lieu, et les résultats étaient quasi-nuls : à peu près les mêmes que le fait de s’être assis, au sol, dans un avion qui ne bouge pas !
Il est donc primordial d’utiliser un vrai simulateur de vol de qualité professionnelle pour trouver une intermédiaire entre le sol et un vrai vol, et ainsi s’habituer à la situation, voire y passer un bon moment. C’est dans ce but que le Centre de Traitement de la Peur de l’Avion s’est associé à des simulateurs de vol de qualité professionnelle dans toute la France ainsi qu’en Belgique et en Suisse. Depuis le début de l’année 2015, nous réalisons également des stages en utilisant un simulateur de vol monté sur vérins et reproduisant donc les sensations physiques de l’avion. Une nouvelle étude d’efficacité est en cours : nous souhaitons savoir si cette immersion complète (et plus seulement visuelle) permet d’encore améliorer les résultats du stage… rendez-vous en 2016 pour les résultats.
Précisons que le stage « Prêt à décoller » est la seule prise en charge contre la peur de l’avion à avoir fait l’objet d’une étude d’efficacité réalisée par un organisme externe. L’étude, cosignée par l’université Paris Descartes, a porté sur 147 stagiaires sera publiée en août dans la revue médicale scientifique « Aviation, space and environmental medicine« . Elle avait également été présentée aux congrès de psychologie de l’AFTCC et de psychiatrie de l’Encéphale. C’est cette étude qui fera référence pour valider l’intérêt ou non d’un simulateur reproduisant également les sensations physiques du vol.
Revenons maintenant à la question initiale de cet article : pourquoi la peur se renforce avec le temps. Nous avons vu qu’une exposition pas assez progressive donnait des résultats contraires. Mais en avion, ce n’est pas tout. La peur de l’avion n’est pas une phobie comme les autres puisqu’elle nécessite des réponses techniques qu’un psychologue est incapable de donner : pourquoi une turbulence n’est pas dangereuse, comment serait gérée une panne moteur ou une dépressurisation… et à moins que le thérapeute soit également pilote de ligne, toutes les techniques de respiration, d’hypnose ou d’exposition ne changeront pas ces pensées. Et le pire c’est qu’il ne suffit pas d’avoir des réponses, car lorsqu’une personne souffrant d’une phobie de l’avion est confrontée à une situation qu’elle imagine dangereuse, un « court-circuit cérébral » opère et la peur reprend le dessus sur les pensées réalistes… C’est pour cette raison que le raisonnement logique et la connaissance des statistiques de la sécurité aérienne ne changeront rien.
Pour ceux qui souffrent de la peur de l’avion et qui lisent ces lignes, harcelés par leurs proches qui leur répètent « lance toi, tu vas t’habituer ! », vous saurez maintenant répondre. Savoir rationnellement qu’un vol n’est pas dangereux ne change rien, et dépasser une peur et se forcer à un choc trop fort peut être contre-productif. Il faut toujours travailler la gestion de l’anxiété, trouver toutes les réponses techniques et utiliser les techniques cognitives pour les rendre disponibles, et s’exposer progressivement.
L’aviation civile française développe et conçoit des aéronefs de haute qualité extrêmement fiables. Les quelques avaries retranscritent par les médias marquent les esprits. Ces crashs aériens concernent qu’un faible pourcentage du traffic aérien français. Les erreurs humaines sont souvent à l’origine des problématiques sérieuses rencontrées lors de vols de lignes.