L’année 2015 marque le vingtième anniversaire de la compagnie Easyjet et le trentième pour la compagnie Ryanair. Après des débuts progressifs, le low cost représente aujourd’hui plus de 40% du trafic intra-européen, et ces deux compagnies sont les premières en Europe : Ryanair a transporté 86 millions de passagers en 2014, Easyjet 62 millions, suivies par Luftansa et Air France (respectivement 60 et 50 millions de passagers). Malgré leur importance et l’absence total d’accident mortel au sein des compagnies à bas coût durant toutes ces années, leur réputation sulfureuse perdure et la question de leur sécurité revient à chaque stage contre la peur de l’avion. Penchons nous aujourd’hui sur les « on dit » concernant les compagnie low cost.
Il faut en tout premier lieu connaître quelques points sur ces compagnies pour en comprendre l’organisation. Elles ont toutes un fonctionnement en commun : les vols se font « point à point » et il n’y a donc aucune escale, et l’ensemble des services sont réalisés à la carte : bagage en soute, choix du siège, collation en vol… Nous nous focaliserons sur les deux principales compagnies de cette catégorie pour une petite fiche d’identité.
La compagnie Ryanair :
Avec son statut de première compagnie européenne et première mondiale pour les voyages internationaux, Ryanair réalise des vols dans 31 pays en Europe, au Maroc et en Israël. La compagnie opère la plus grande flotte européenne de Boeing 737 avec 400 exemplaires de l’avion (version B737-800) et 170 en commandes (dont la version B737 Max). Les avions réalisent 1600 vols par jour depuis 180 aéroports et tous les avions rentrent le soir au sein de 57 bases réparties dans toute l’Europe. L’âge moyen de la flotte est de 5 ans, un chiffre à la baisse grâce à la revente des avions les plus anciens et à l’entrée en activité des nouveaux appareils. Les avions réalisent en moyenne 6 vols par jour.
La compagnie Easyjet :
Easyjet opère 700 routes aériennes dans 130 aéroports au sein de 32 pays en Europe, au Maroc, en Egypte, en Turquie et en Israël. Sur le plan technique, la flotte d’Easyjet est composée de 250 Airbus A319 et A320 et des A320 version Neo sont également commandés. Les avions ont en moyenne moins de 5,8 ans (chiffre 2014) et volent chacun 11 heures par jour.
La maintenance dans les compagnies low cost
On ne le redira jamais assez, les compagnies aériennes quelles qu’elles soient doivent remplir un cahier des charges excessivement précis et le moindre écart conduirait à une interdiction de vol. Les avions sont entretenus selon un rythme bien défini et si les avions volent plus souvent, on resserre simplement le temps qui sépare deux visites techniques. La maintenance est majoritairement réalisée par des prestataires spécialisés, c’est par exemple le fabricant du moteur qui va réaliser l’entretien des moteurs. Le principal contrat d’Easyjet avec son sous-traitant AJW Aviation s’élève ainsi à près de 300 millions d’euros par an, et le contrat avec SR Technics portant sur les seuls A319 est de 140 millions d’euros par an, sans compter la maintenance des moteurs.
Les avions sont par ailleurs achetés neufs et vendus très rapidement, d’où un age de la flotte très faible, ce qui nécessite une maintenance moins onéreuse. En n’utilisant qu’un seul modèle d’avion, les compagnies peuvent par ailleurs se limiter à l’achat d’un seul type d’outil de diagnostic et de maintenance et ne former ses techniciens qu’à une seule plateforme… encore des économies !
Easyjet est à la pointe dans le domaine de l’optimisation des opérations de maintenance. La compagnie a par exemple noué un partenariat avec le Bristol Robotics Laboratory pour développer de petits drones capables d’inspecter dans les moindres détails le fuselage des avions. Grâce à des capteurs (lasers et scanners principalement), le drone envoie des rapports aux ingénieurs qui ne peuvent ainsi plus rater la moindre anomalie. L’identification des problèmes est plus fiable et l’on sait plus rapidement si une réparation ou une inspection plus poussée est nécessaire. Avec ce dispositif, certaines opérations qui prenaient plusieurs heures avec une méthode classique pourraient être réduites à quelques minutes ! Voici la petite démonstration vidéo :
Le système n’est pas encore opérationnel mais pourrait l’être dès l’an prochain à titre expérimental. Les drones pourraient avoir une deuxième fonction : acheminer les pièces de rechange au technicien plus rapidement, car ces derniers doivent pour l’instant se rendre en voiture jusqu’au magasin afin d’y récupérer les pièces et outils… les magasins étant souvent situés à plusieurs kilomètres (et oui, c’est grand un aéroport), le gain de temps sera conséquent.
La compagnie développe également avec Safran une imprimante 3D pour remplacer des pièces de moteur, et une équipe de chercheurs de l’entreprise Output42 a développé un logiciel unique permettant de prédire le nombre de pièces de rechanges qui seront nécessaires dans les prochains mois. L’application BladeFix a ainsi permis de réduire de 2 millions de dollars les acquisition réalisées pour les seules lames des moteurs ! Le principe est simple: des innovations pour encore plus d’économies.
On le voit, la maintenance est optimisée mais pas bâclée. Les économies sont principalement réalisées sur les services ou le confort, et un exemple assez spectaculaire de cette optimisation est le système des bagages de soute payants. Avec ce principe, les passagers vont favoriser un bagage de cabine. La compagnie devra alors louer moins de comptoirs dans l’aéroport pour l’enregistrement des bagages et fera des économies de personnel (moins d’hôtesses d’accueil, moins de bagagistes…). Le bagage à main étant par ailleurs plus léger, l’avion est plus léger ce qui réduit sa consommation de carburant. Une fois à destination, il n’y a plus besoin de décharger la soute et l’avion peut repartir plus rapidement. Au final, on estime qu’une compagnie comme Easyjet réalise une économie de 1 milliard d’euros par an sur ses frais de fonctionnement par le simple fait de facturer les bagages de soute ! Et les voyageurs qui choisiront de payer pour cette option apportent chaque année un milliard d’euros supplémentaire à chacune des deux compagnies low cost… Pour des informations complémentaires sur le fonctionnement des compagnies à bas coût sur le plan économique, vous pouvez lire cet article.
Au final, c’est donc bien le ressenti et l’impression de confort qui diffèrent très fortement. Easyjet obtient par exemple 3,1 étoiles sur 5 sur le site WhatTheFlight qui permet aux voyageurs de partager leurs impressions de vol. Elle est classée entre Ryanair qui n’y obtient que 2,7/5 et Air France avec 3,6/5. L’espacement moindre entre deux sièges est un des principaux reproches, les A320 d’Easyjet et B737 de Ryanair comptent chacun 189 places alors que les A320 d’Air France ne dépassent pas 178 passagers. Si vous êtes claustrophobe, il est donc clair que l’espacement des sièges pourrait être un difficulté dans les compagnies low cost… Mais pour ce qui est de la fiabilité de l’appareil, elle est totale, équivalente à ce que l’on trouve dans toutes les compagnies qui se plient aux exigences de l’Agence Européenne de Sécurité Aérienne. Vers une même destination, choisissez donc votre compagnie en fonction des horaires, de sa simplicité d’utilisation (les low cost utilisent parfois des aéroports secondaires), des tarifs (en n’oubliant pas de regarder le coût des options) et du confort, mais n’excluez donc pas les compagnies à bas coût pour une question de sécurité.
Un peu rapide comme conclusion, lorsque l’on prend comme seul angle l’entretien des appareils. Quid de la pressions sur les pilotes, leur formation, l’emport de fuel…
Je trouve que pour un ancien pilote spécialiste de la sécurité aérienne ca laisse perplexe.
Bonjour, la formation des pilotes des compagnies low cost est exactement la même que ce que l’on rencontre dans toutes les autres compagnies européennes. Ils ont le même suivi médical et les séances de simulateurs imposées, des temps de repos obligatoires et un temps de vol maximum imposés par l’Europe, un emport pétrole identique… Pour la pression sur les pilotes, elle est la même dans toutes les compagnies et elle est simple : la sécurité passe avant toute autre considération. Aucun pilote n’accepterait par exemple de monter dans un avion sans en faire le tour, les check list sont d’ailleurs enregistrées et sont parfois réécoutées (même lorsqu’il n’y a pas d’incident) afin de vérifier que tout est toujours fait dans les règles de l’art. C’est arrivé à mon meilleur ami, pilote Ryanair à Porto. Je pense par contre qu’il faut maintenir un niveau de contrôle plus élevé sur les low cost afin d’éviter qu’elles ne puissent oser essayer de déraper…
Juste pour préciser, je n’ai jamais été pilote professionnel, je suis un ancien aviateur militaire (détecteur navigateur aérien).
Merci pour votre article enrichissant.
Un intéressé d’aéro
Avec plaisir Antoine,
Au plaisir d’échanger,