Plusieurs personnes ayant suivi le stage contre la peur de l’avion nous ont recontacté cette semaine suite à un événement aéronautique heureusement sans gravité : un A320 de la compagnie Delta Airlines a rencontré un orage de grêle, et voici les dégâts… Comment cela a-t-il pu arriver et quel est le risque ? [Article mis à jour suite à un événement similaire en juillet 2017]
Les nuages d’orage, appelés cumulonimbus, peuvent provoquer des turbulences fortes, de la foudre, des pluies intenses mais aussi de la grêle. Même si les avions de ligne d’aujourd’hui sont conçus pour résister à ces nuages, il reste préférable de les éviter, à la fois pour éviter une usure accélérée de la structure, d’éventuels chocs avec des grelons, mais aussi pour le confort des gentils passagers qui n’aiment pas trop les montagnes russes. Il est très facile de les contourner ces nuages, simplement à la vue (les Cb dépassent 6000m d’altitude et ont une forme très caractéristique) ou grâce aux radars météos embarqués et qui donnent leur position avec un préavis de plusieurs centaines de kilomètres.
Habituellement, la grêle se trouve en dessous du nuage, mais elle peut être rencontrée hors du Cb dans des conditions très inhabituelles: les vents puissants présents à l’intérieur du nuage peuvent projeter les grêlons à plusieurs kilomètres alentour… Dans ce cas, l’avion a volé entre deux cumulonimbus, ce qui est tout à fait normal, l’écart minimal avec un tel nuage étant de 2 km au vent (quand les nuages sont isolés, l’écart est plutôt de 40km). Cet écart réduit est tout à fait satisfaisant et permet normalement d’éviter toute gêne, cela arrive des milliers de fois chaque jour et des millions de fois chaque année… Dans la mesure où des grêlons hors du nuage sont excessivement rares, cet espacement est tolérable, on limite normalement le désagrément à quelques turbulences.
Mais soyons clair, cet espacement est tolérable CAR IL N’Y A AUCUN RISQUE ! Si la grêle pouvait provoquer un accident, alors bien sur il en serait tout autre et l’on prendrait des marges de sécurité bien plus larges. Dans leur conception, les moteurs des avions de ligne sont prévus pour être capables d’ingérer 750 kg de glace en 30 seconde. Comme on le voit dans ce cas, le nez de l’avion a été endommagé, les pare-brises ont été fissurés (mais un pilote est formé pour voler en se limitant aux informations des instruments de son cockpit, sans regarder dehors) et l’avion a pu se poser sans problème. Les passagers ne se sont apparemment même pas senti en danger puisqu’ils ont été étonnés des dégâts visibles sur l’avion après en être descendus.
Les orages restent un élément de crainte très fort pour les personnes souffrant de la peur de l’avion. La grêle, comme la foudre ou les turbulences, sont effrayantes mais sans danger. Ne regardez donc pas l’état du ciel avant de vous décider à embarquer, ni la météo télévisée : en cas de passage d’un cumulonimbus unique dans la journée, la carte du ciel va forcément présenter des orages sur la région… alors que ceux ci sont isolés et contournables !
Dans le cas à l’origine de l’article ainsi que celui rencontré par un Airbus A320 en juillet 2017, les pilotes ont simplement engagé une procédure d’atterrissage aux instruments, c’est-à-dire que l’avion évolue seul et va réaliser un atterrissage en parfaite autonomie. Voici la trajectoire réalisée par l’avion à Istanbul :
Voici un article dédié à l’atterrissage sans visibilité : http://www.peuravion.fr/blog/2017/07/atterrissage-sans-visibilite/
Pour faire suite à deux mails reçus après la publication de cet article : Non, le Rio-Paris ou le Ouagadougou-Alger ne sont pas tombé à cause de la grêle, d’un orage ou de turbulences contrairement à ce qui a été répété dans un premier temps. C’est dans les deux cas le dysfonctionnement des systèmes permettant de connaître la vitesse de l’avion qui est en cause. Plus d’informations sur cet élément et les solutions apportées en lisant cet article.
#Delta should give the pilot of my flight a sizable bonus for saving our butts. pic.twitter.com/O5EntnI5A2
— Beau Sorensen (@sorrogrande) 8 Août 2015
Merci pour cet article tout à fait instructif! (…. et rassurant!).
Ayant travaillé pendant plusieurs années pour une compagnie productrice de moteurs d’avion, et plus particulièrement dans la simulation du comportement de moteurs en cas de mauvaises conditions climatiques, j’ai souvent travaillé avec les cas d’impacts de grêlons (« impressionnants » mais non dangereux).
Avant d’être mis en service, tous les moteurs doivent être certifiés par une autorité compétente (EASA ou FAA, par exemple), à tous les niveaux, et doivent notamment prouver qu’ils sont résistants aux conditions climatiques les plus inclémentes.
Cette certification est réalisée par des tests réels dans lesquels sont reproduites des conditions conservatrices, afin de s’assurer d’une bonne marge de sécurité. Par ailleurs, les conditions testées sont au préalable déterminées grâce à des modèles de simulation aérothermodynamiques, qui permettent de sélectionner les conditions les plus critiques (grêle, pluie, neige, microcristaux, etc.) dans l’ensemble de l’enveloppe de vol de l’appareil.
Mon expérience personnelle m’a montré à quel point les experts travaillant sur ces sujets sont rigoureux… et à quel point les moteurs testés dans les conditions climatiques les plus critiques (presque jamais rencontrées dans la réalité, par ailleurs) présentent encore de larges marges de sécurité!
Voici une petite vidéo en anglais montrant des images de tests de certification en mauvaises conditions climatiques… de quoi nous prouver que l’on ne plaisante pas avec la sécurité ! 🙂
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