Il est toujours étonnant d’observer de quelle façon des éléments techniques et factuels entourant un événement aéronautique ne peuvent pas être analysés de manière technique et factuelle… Le crash du Boeing 777 MH17 dans l’est de l’Ukraine en juillet 2014, qui voit clairement s’opposer un camps pro-séparatistes et pro-russe face à un camp pro-maidan et occidental auquel appartient Kiev, est certainement le cas d’école le plus parfait. Voici une petite revue de détails des accusations observées de part et d’autre, et de l’analyse factuelle des données connues.
1) Un contrôleur aérien espagnol travaillait en Ukraine et a pu observer des avions de chasse ukrainien autour du MH17, pourquoi a-t-il été ignoré ?
Le fameux contrôleur aérien, appelé SpainBucca sur Twitter, n’a simplement jamais existé. Il est inconnu de l’aéroport dans lequel il affirmait travailler et de l’ambassade d’Espagne en Ukraine. Il s’agissait simplement du compte Twitter d’un mythomane anti-maidan, d’autant que la législation ukrainienne interdit à un ressortissant étranger d’occuper un poste de contrôleur aérien (texte en ukrainien ici). Publication de l’ambassade d’Espagne en Ukraine ici.
2) L’avion du président russe Vladimir Poutine est passé dans la zone du MH17 le jour du crash, c’était son avion qui était visé.
L’information venait d’une source anonyme diffusée par une agence de presse russe… mais les enquêtes réalisées y compris par les médias russes ont montré que l’avion de Poutine n’avait pas survolé l’Ukraine depuis longtemps (voir article ici). Ce jour-là, l’avion de Poutine avait décollé de Pologne pour rentrer en Russie via la Biélorussie.
3) Le B777 a été abattu par des avions de chasse ukrainiens type Su-25
Cetta affirmation a été officiellement soutenue par la Russie et par des officiers russes, bien qu’elle ne soit techniquement totalement impossible (voir analyse détaillée en cliquant ici). L’hypothèse avait pourtant érté soutenue par le comité d’enquête officiel russe (voir ici) et les médias proches du Kremlin avaient fourni des preuves telles des photo satellites réalisées à la seconde où le chasseur aurait tiré… sauf que toutes ces « preuves » se sont révélées être des faux grossier, la photo satellite étant par exemple une simple cature d’écran d’une image Google Maps datée de 2012. En dehors de quelques tentatives d’intox (comme en juillet 2015 où un missile israélien a été mis en cause, voir ici), la Russie a finalement définitivement abandonné l’hypothèse de l’avion de chasse ukrainien à la fin de l’été 2015, se rangeant aux côté des analyses techniques. Il faut avouer qu’il est difficile de suivre l’évolution des versions avancées par les russes tant elles ont changé, mais tout le monde est à présent d’accord (si ce n’est quelques complotistes) : il s’agit bien d’un système Bouk.
4) Si c’est bien un missile Bouk qui a touché le Boeing, un panache de fumée devrait être facilement visible
Un panache de fumée n’est visible depuis le sol que si le ciel est dégagé, ce qui n’est pas le cas le jour du crash (voir vidéo tournée par les rebelles lorsqu’ils fouillent les décombres du Boeing ici), et il n’est observable que quelques minutes lorsqu’il n’y a pas de vent… Or il y avait du vent ce jour là, et on trouve des vidéos de Bouk dans lesquels le panache disparaît presque dès son tir.
Par ailleurs et même si le panache de fumée n’était pas visible en haute altitude ce jour là, celui-ci a été photographié et analysé sans aucun doute possible à son point de décollage dans la ville de Torez (voir analyse détaillée en anglais ici). La photo ci-contre est un agrandissement retravaillé du panache, on observe bien la fumée grise liée à l’éjecteur et au premier étage du missile qui sort de son silo, puis le panache blanc vers le ciel. La photo a été postée sur les réseaux sociaux seulement 3 heures après le crash et la zone de tir correspond à quatre observations d’un système bouk se déplaçant vers la zone et tweetées avant le crash.
5) Les rebelles ne possèdent pas de systèmes Bouk
Les rebelles ont réussi à abatttre 9 appareils appartenant à l’armée Ukrainienne dans le mois qui a précédé le crash, dont un An-26 volant à 6500 mètres d’altitude 3 jours avant le MH17… Aucun missile tiré depuis l’épaule ne peut atteindre une telle altitude et il s’agit donc forcément d’un système lourd utilisant un guidage radar. Seuls des systèmes Bouk ont été observés dans la région, d’autant que les impacts dans la dérive de le l’antonov correspondent au shrapnel du Bouk (photo ci-contre). De toutes façons, l’utilisation d’un tel missile n’est plus discutée que par les conspirationnistes, seules des questions sur la version du Bouk existent encore côté russe. Voir la liste des avions ukrainiens abattus ici.
De nombreux documents photos et vidéos attestent de la présence de systèmes Bouk dans la zone séparatiste, cette présence n’est plus discutée. La question est uniquement : qui utilise ces missiles le jour du MH17.
6) La Russie n’aurait pas été impliquée dans l’enquête
L’enquête technique n’implique que les pays ayant perdu un ressortissant, le pays dans lequel l’accident a eu lieu, les pays d’origine et de destination de l’avion et celui dans lequel l’avion est immatriculé. La Russie n’a donc techniquement aucune raison d’être impliquée dans l’enquête devant déterminer la cause du crash. Par contre, l’ouverture d’une enquête pénale sensée retrouver les coupables de l’accident et à laquelle la Russie aurait été invitée n’a pas pu être créée… en raison d’un véto posée par la Russie auprès de l’ONU.
7) L’Ukraine et les autres pays occidentaux ont caché des éléments
Il faut faire une distinction : lorsque des éléments ne sont pas rendus publics, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas été mis à la disposition des enquêteurs. Tous les Etats impliqués ont pleinement coopéré à l’enquête du DSB, sauf la Russie… Celle-ci n’a pas fourni certaines données de contrôle aérien, cela est clairement indiqué dans le rapport du DSB :
« – Retention of ATC data (données du contrôle aérien) :
The Russian Federation did not comply in all respects with the ICAO standard contained in paragraph 6.4.1 of Annex 11.«
8) certaines expertises réalisées par la Russie n’ont pas été prises en compte
La Russie a clairement mis en scène des expérimentations dont la valeur était clairement nulle. L’exemple le plus frappant et le plus repris est l’explosion d’une tête de missile Bouk à proximité du cockpit d’un avion de ligne parfois présenté comme un Boeing 777 retiré du service. Or il s’agit d’après les vidéos diffusées (capture d’écran ci-contre) d’un Iliouchine 86 et non d’un Boeing. Mais le principal problème est qu’une explosion au sol sur un morceau d’avion n’est en rien comparable à ce que peut subir un avion pressurisé volant à 900km/h et rencontrant un missile volant à 3 fois la vitesse du son. Il s’agit de la communication à destination du grand public pour tenter de mettre à mal les conclusions du rapport néerlandais. Cela fonctionne auprès des défenseur de la Russie, mais la tentative est tout simplement ridicule sur la plan technique…
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Avec un peu de recul, on a l’impression claire de l’utilisation par la Russie de la technique dite « du foisonnement » : alimenter tous les canaux d’information avec un nombre incalculable de versions, même extravagantes, remettre en cause toutes les conclusions pourtant scientifiques et infalsifiables, même avec des tests sans valeur mais visuellement crédibles… A force de bruit, plus rien n’est audible et les enquêtes les plus sérieuses semblent bâclées.
Je souhaiterais continuer à étayer cette page, n’hésitez pas à me faire part de vos remarques ou des autres théories.