Aaah, les virages, si seulement ils n’y en avait pas… Même s’ils ne présentent aucun risque, ils sont une source d’inquiétude pour ceux qui souffrent de la peur de l’avion. Beaucoup de stagiaires nous demandent par exemple pourquoi l’avion doit faire des détours sur son trajet plutôt que de suivre une ligne droite, à la fois en basse altitude et en vol de croisière. Il y a plusieurs cas : zone interdite, respects des règles de navigation, orages ou vents… Et tout est question de point de vue.
1) Les circuits de piste
Sur les aéroports, les avions décollent et atterrissent tous dans le même sens, avec toujours un maximum de vent de face. Avant d’atterrir comme après le décollage, les avions doivent suivre une trajectoire prédéfinie, c’est ce qu’on appelle le circuit de piste. Voici par exemple des avions qui s’apprêtent à se poser à Roissy, on voit qu’ils sont tous parfaitement alignés sur la même trajectoire :
Dans ce cas, le vent vient de l’est et les avions arrivant de l’est doivent faire un demi-tour pour s’aligner sur la piste. A l’inverse, des avions qui arriveraient depuis la façade Atlantique se trouveraient dans le bon sens et pourraient s’aligner sur la piste presque sans aucun virage.
Le sens du décollage et ces virages additionnels ne sont connus que le jour du vol. Ce petit détail n’est pas qu’anecdotique pour les anxieux : les temps de vol sont calculés selon les vents dominants, tous les vols au départ de Paris sont par exemple calculés avec un décollage vers l’ouest. Lors de cette capture d’écran, tous les avions arrivant de l’est ont réalisé un vol 10 à 15 minutes plus long que prévu, et inversement ceux provenant de Grande Bretagne ou des USA ont eu droit à un voyage plus court. et pour certains, 15 minutes c’est très long…
2) Le chemin le plus court n’est pas celui que l’on croit
La Terre est ronde. Ce n’est une nouvelle pour personne, mais la représentation du monde que l’on perçoit sur une carte est fausse… Lorsque l’on imagine un trajet depuis l’Europe vers les Etats-Unis, on pense à une ligne droite traversant en plein milieu de l’Atlantique. Cela est totalement faux, le chemin le plus court passe au large de l’Islande, sur le sud du Groenland puis longe la côte canadienne. Un trajet vers le Mexique passerait encore plus au nord. Cette carte laisse apparaître les avions réalisant ce trajet :
3) On doit contourner les nuages provoquant des orages
Il est totalement interdit d’entrer dans certains nuages appelés cumulonimbus. Ces nuages sont les seuls à provoquer de la grêle et de la foudre, et ils contiennent également des turbulences très importantes. Si un de ces nuages est détecté avec le radar météo (qui donne un préavis de plusieurs centaines de kilomètres, voir photo ci-contre), il va falloir le contourner. Ces détours peuvent durer plus de 40 minutes !
Avant l’invention des radars météo, les pilotes identifiaient ces nuages à la vue, ce qui est très aisé car ce sont les seuls qui peuvent monter à l’altitude de vol des avions… et la nuit ce sont les éclairs qui permettaient de les identifier.
4) On peut entrer dans les vents d’altitude
Les avions peuvent emprunter des courants d’air afin d’accélérer et gagner du temps, c’est ce qu’on appelle un jet stream. L’avion se déplace toujours à la même vitesse dans la masse d’air, par exemple 800 km/h, mais si la masse d’air se déplace à 200 km/h, l’avion avancera à 1000 km/h par rapport au sol ! Il est donc parfois intéressant de faire un petit détour pour pouvoir utiliser ces accélérateurs. Sur la photo ci-contre, on voit une grosse différence de vitesse entre la vitesse sol (GS pour Ground Speed) et la vitesse dans l’air (TAS pour True Air Speed).
La carte ci-contre est une carte météo fournie aux pilotes avant qu’ils ne posent leur plan de vol. Elle permet de visualiser la trajectoire d’un jet stream, c’est le gros trait vert qui va de l’Algérie à la Pologne. Imaginons un avion qui décollerait d’Alger vers Genève cet jour là. Il ne prendra pas la trajectoire directe, il pourra dans un premier temps s’orienter vers l’Espagne afin d’intégrer le jet stream. Il y restera ensuite et en sortira à proximité de sa destination. Ce petit détour lui fera au final gagner plusieurs dizaines de minutes.
5) Les zones interdites
Opérations militaires en cours, lancement d’une fusée, contournement d’un pays pour ne pas payer de droit de passage… De nombreuses raisons peuvent amener un avion à éviter le survol de certaines régions, l’objectif étant toujours d’atteindre une sécurité maximale. Les images suivants reprennent quelques cas extrême dans lesquels on voit les détours hallucinants provoqué par la grève des contrôleurs aériens français du 26 janvier 2016. Le trafic aérien a donc été réduit et les avions qui traversent habituellement la France ont du la contourner.
Sympa les détours imposés par la #GreveControleurs, certains avions font des détours de plus d’1h! #AvGeek #Aviation pic.twitter.com/eWMbw5CH7s
— Xavier Tytelman (@PeurAvion) 26 janvier 2016
Merci pour ce message très instructif. Quelle est la limite de vent de face pour qu’un avion ne puisse pas se poser? J’hanite à stavanger, norvège et ca souffle tjs un peu ici (j’ai toujours des appréhensions quand nous abordons la descente en me demandant toujours si l’avion va réussir à se stabiliser avant de toucher le sol…) cette sensation que l’avion tangue avant de se poser, pouvez vous me l’expliquer? Merci pour votre site!
Bonjour ! Il n’y a pas vraiment de limitation pour le vent de face, sur le plan purement théorique on pourrait avoir le vent de face à 150 km/h et voler ainsi avec une vitesse de seulement 50km/h par rapport au sol, ce qui ferait un atterrissage très doux… mais il y aurait par contre ensuite une limitation au moment du roulage, car même une fois posé on ne peut pas subir un vent de travers trop fort.
Les limitations vent de travers vont varier en fonction de l’humidité du sol. Pour un avion moyen courrier, on aura par exemple 70 km/h sur piste sèche, 60 km/h sur piste humide, 30km/h sur piste « contaminée » (on parle bien de vent totalement de travers à 90° par rapport à la piste).
Pour ce qui est du ressenti, malheureusement cela est désagréable car les courant d’air perturbent légèrement la trajectoire, comme lorsqu’une voiture subit une rafale sur l’autoroute puis que le conducteur rétablit l’axe de la route. En avion, avec la vitesse, une variation de 1° est ressentie avec bcp plus d’intensité que la réalité… Ne vous laissez donc pas impressionner par vos sensations : si le pilote engage sa procédure d’atterrissage, c’est qu’il est bien en dessous des minimas réglementaires et qu’il est capable d’atterrir.
Vous pouvez ressentir aussi le moment où l’avion « décrabe », c’est-à-dire se remet face à l’axe de piste juste avant l’atterrissage, désagrable mais normal 🙂
Merci Xavier. Une question, avec la très vaste zone de guerre actuellement ente Syrie, Irak, Yémen etc. … Les vols vers et à partir de Dubaï sont ils risqués ? Merci d’avance
Steven
Bonjour !
Non bien sur, les missiles évoqués sur l’Ukraine n’étant pas disponible en dehors de cette zone, il est impossible qu’un avion de ligne soit touché, même si la guerre fait malheureusement rage au sol…
Bonjour et merci pour vos articles bien documentés.
Vous évoquez des droits de passage au dessus de certains pays.
Je n’en avais jamais entendu parler.
Sont-ils systématiques ? Ou seulement quelques pays les facturent?
De quels montants s’agit-ils?
Pouvez-vous développer?
Merci
Cordialement.
Bonjour, oui les compagnies doivent payer pour que leurs avions aient le droit de survoler certains espaces nationaux. La Russie récolte ainsi 300 millions de dollars chaque année en droits de suvol, et avait menacé les compagnies européennes d’interdiction de survol en rétorsion économiques l’an dernier… et il est bien plus avantageux pour les compagnies de payer ces taxes que de faire des détours sans fin s’il faut aller au Japon ou en Corée !
Je ne suis pas sur que les barèmes soient publics ou que cette ligne apparaisse dans les bilans des compagnies aériennes, mais c’est une pratique universelle.
Ping : Avion : Comment ne plus avoir peur? – Cinsfitandtravel
un cesna 172 peut-il voler à reculon par un tr:es fort vent?
Bonjour, à moins d’un vent de face vraiment fort et d’un avion qui vole très lentement, cela est impossible. Imaginez un sportif qui court sur un tapis de course. Si il court à la même vitesse que le tapis, il reste sur place. Si le tapis accélère, le coureur risque de reculer alors qu’il court pourtant bien vers l’avant. C’est le même concept en avion : si l’avion avance à 150 km dans la masse d’air, mais que cette masse d’air va dans le sens opposé à 160km/h, alors depuis le sol on le verra reculer à une vitesse de 10 km/h.
Bonjour Xavier,
Je cherche désespérément des informations sur la capacité des appareils modernes à résister (ou non) à la traversée d’un cumulonimbus dont on sait la dangerosité, notamment par la force des courants ascendants et descendants qui agissent en son sein. J’entends bien que les pilotes tentent à tous prix de les éviter en utilisant les informations communiquées par le radar météo du bord. Mais qu’arrive t-is lorsque l’avion n’ a pas d’autre choix que de le traverser (ligne de front continue). La structure de l’appareil peut elle résister ? Et Au-delà, peut on conserver la maîtrise de l’aeronef ?
En vous remerciant par avance pour votre réponse.
Bien à vous
Bonjour François, tous les avions du monde sont conçus pour pouvoir résister à des turbulences supérieures à 150 % du maximum des pires turbulences qui existent dans l’atmosphère terrestre. Autrement dit on ne peut jamais casser. Les passagers sont par contre très fragiles pour leur part 😉
Côté gestion de l’appareil, on peut dans le pire des cas gagner quelques dizaines de mètres, ce qui est énorme mais est très loin de nous amener au sol puisque l’on se trouve à 10.000m d’altitude.
Dernier point : quel que soit le nuage, sa longueur ou son intensité, un pilote ne rentrera jamais dedans, et les radars modernes permettent de s’assurer de cela :))