L’accident du MS804 d’EgyptAir disparu hier fait renaître une question qui revient à chaque accident aérien : comment est-il possible de ne pas connaître la position de l’avion accidenté, et pourquoi les informations du vol ne sont-elles enregistrées que dans les boîtes noires ? Les avions sont en réalité suivis d’une manière très précise via différents moyens. Dans un pays comme la France, les avions sont suivis par 3 types de contrôleurs aériens complémentaires : les contrôleurs de l’aéroport qui gèrent l’avion depuis son parking jusqu’à la phase de montée initiale, celui qui gère les alentours de l’aéroport pour les phases de montée et de descente, et le contrôleur « en route » pour assurer le suivi en vol de croisière.
D’une manière générale, l’évolution au sol est gérée à la vue depuis la tour de contrôle de l’aéroport, l’approche est assurée via des écrans grâce aux radars de la tour, et le vol de croisière est assuré par un des cinq CRNA français, des super centre de contrôle qui vont gérer chacun une partie du ciel et qui ne se trouvent pas forcément dans un aéroport.
Les avions peuvent être suivis de deux manières différentes par ces contrôleurs. En fonctionnement normal, l’appareil est interrogé par le radar dit « secondaire », et répond en fournissant des informations sur sa trajectoire, sa vitesse et son évolution via un équipement appelé transpondeur. Ce sont ces informations qui sont également captées par des sites publics comme flightradar24, ce qui permet de suivre en temps réel les avions en vol lorsqu’ils se trouvent à portée d’un capteur. En cas de dysfonctionnement de l’avion, ce système va arrêter d’émettre et les contrôleurs perdent la trace de l’avion.
Le deuxième type de radar est appelé primaire, il s’agit d’ondes envoyées par une station au sol qui rebondissent sur l’avion puis reviennent pour être détectées. Le temps que prend l’onde pour revenir va donner une distance entre le radar et la cible, ce qui permet de reconstituer une image des appareils en vol jusqu’à environ 300 km de distance. Certaines zones isolées ne sont pas couvertes par ces méthodes, comme les océans ou les zones désertiques, mais les avions restent en contact avec le sol par téléphone satellite. A la fin de l’année 2015, l’OACI (l’ONU de l’aviation) a décidé que tous les avions devraient également être capables de reporter leur position via des connexions de données par satellite à partir de 2017.
Les images obtenues par les radars primaires et secondaires sont ensuite comparées par le système, ce qui permet de voir rapidement si un écho ne correspond à aucun avion, auquel cas une alerte est déclarée. Des avions de chasse appartenant à la permanence opérationnelle décollent alors en quelques minutes pour vérifier qui est cet intrus…
Imaginons maintenant que l’avion ne fonctionne plus et qu’il arrête d’envoyer les informations sur sa position. Dans ce cas, seuls les radars primaires vont continuer à fournir des informations, ce fut le cas pour le MH370 disparu au large de la Malaise en mars 2014, et c’est le cas dans notre accident puisqu’un radar militaire grec a pu donner des informations sur l’évolution de l’appareil (virages et descente rapide) après la fin des émissions par le transpondeur. Si l’avion tombe sur le sol, des balises se déclenchent ce qui permet de retrouver rapidement le site du crash via des moyens de radiogoniométrie. S’il tombe dans l’eau, ce sont les boites noires qui sont déclenchées, mais leur portée est limitée à quelques kilomètres. Dans le cas du MS804, on connaît donc avec certitude la position de l’avion en vol au moment de la fin de ses émissions transpondeur, ainsi que le début de son évolution grâce au radar grec. Néanmoins, un objet qui se déplace à plus de 900 km/h et dont on perd la trace à plusieurs milliers de mètres d’altitude laisse une incertitude assez importante sur la position exacte du crash, probablement des dizaines de milliers de km²…
Des bateaux et des avions de patrouille maritime sont donc dépêchés sur place pour retrouver d’éventuels débris flottants (les recherches étant principalement visuelles), puis des navires spéciaux équipés de détecteurs vont ratisser la zone (souvent des bateaux militaires de lutte anti-sous-marine). Ils traceront des trajectoires en zig zag espacées de quelques kilomètres dans la zone probable de l’accident afin de capter les signaux des boites noires. Vous imaginez bien qu’à la vitesse de déplacement d’un bateau et avec des zones qui peuvent représenter des centaines de milliers de kilomètres carrés, ces « paterns » espacés de 5 à 8km peuvent prendre quelques semaines.
Même avec le suivi continu de la position des vols, il faudra toujours du temps pour identifier l’emplacement d’un crash si le transpondeur ne fonctionne plus et qu’une zone n’est pas couverte par un radar primaire. Il faut donc laisser le temps aux recherches, dans le cas du Rio-Paris il avait fallut 2 ans pour récupérer le fuselage de l’avion et la récupération des boîtes noires…
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Ajout suite à une question par mail de Jérome : « Mais pourquoi il n’y a que les boîtes noires qui enregistrent les informations du vol, on ne pourrait pas transmettre ces données par satellite également en continu ? »
Même si une transmission en temps réel des informations serait imaginable, elle connaît des limitations sur les plans économiques et techniques… n’oubliez pas qu’environ 22.000 avions réalisent plus de 100.000 vols chaque jour ! Une étude a été réalisée en 2002 par le fabricant de boîtes noires L-3 Aviation Recorders, elle avait démontré qu’il coûterait 300 millions d’euros par an à une compagnie aérienne moyenne si elle voulait transmettre les données de vol de sa flotte en direct, même en imaginant une réduction de 50% du coût des transmissions par satellite liée aux économies d’échelle. Accessoirement, il n’y a tout simplement pas assez de satellites dans le monde pour transmettre une telle quantité de données… On s’orientera peut-être vers des solutions intermédiaires, mais elles nécessiteront dans tous les cas des modifications du matériel embarqué par tous les avions…
Bonjour,
J’ai la phobie de l’avion et cet avion qui a s’est abimé en mer me refroidie encore plus….J’ai beaucoup voyagé et pris l’avion mais à chaque fois c’est une épreuve physique et morale qui m’épuise…. Quelqu’un a t-il pu déposer une bombe dans cet avion Paris-Le Caire depuis l’aéroport de Paris ? Qu’a t’il bien pu se passer pour que l’avion effectue un virage a gauche puis a droite a 360 degré avant de s’écraser ? J’ai très envie de découvrir Marrakech cet été mais la peur me cloue littéralement… 🙁
Y’a t-il eu des dispositions pour éviter les suicides de pilotes également ? XD
Ce serait chouette de rédiger un article sur les circonstances de ce crash !
Merci beaucoup pour tout ce que vous faite.
Bonjour, je viens de publier un article pour tenter d’expliquer le dernier accident au vu des éléments connus…
Contre le suicide des pilotes, il y a la règle des 4 yeux, un article reprend cette mesure ici :
Pour faire passer la peur par contre, il est probable que ces réponses techniques ne soient pas suffisantes. C’est le cerveau des émotions qui est marqué, et les réponses (comme les statistiques rassurantes) ne touchent que le cerveau rationnel. Le stage permet justement de travailler les techniques cognitives (garder le cortex allumé), apaiser le cerveau des émotions (cohérence cardiaque) et marquer le cerveau des émotions de manière positive (simulateur de vol). Vous trouverez toutes les informations ici :
Au plaisir d’échanger !
Xavier