Les hôtesses ne se rendent certainement pas compte à quel point l’expression de leur visage et leurs faits et gestes sont scrutés par les passagers. Un steward qui arrête de sourire ou qui marche rapidement est souvent LE signe pour les anxieux du bord : « ça y est c’est grave« . Dans les stages, lorsque nous expliquons que ces actes n’ont aucun lien avec la sécurité du vol, on nous répond souvent : « mais alors, comment savoir si l’avion est réellement en danger, comment savoir s’il faut s’inquiéter ?« .
Soyons direct : il n’y a pas de signal « attention on va se crasher ». Les signaux sonores peuvent par exemple indiquer que les trains d’atterrissage sont bien rentrés ou que les PNC (personnels navigants commerciaux = hotesses et steward) peuvent se lever, mais en général ils sont simplement provoqués par les passagers qui appellent via le bouton situé au-dessus d’eux. D’une manière générale, ne cherchez pas de message subliminal dans une attitude ou un bruit, car sachez que l’on ne vous cache jamais rien.
Les procédures sont claires : les passagers doivent toujours être avertis et préparés à une situation qui sortirait de l’ordinaire. Prenons l’exemple d’un atterrissage de précaution vécu par un stagiaire qui nous avait raconté son vol. En août 2014, son avion décolle de Croatie vers Nantes. Après 30 minutes de vol, les pilotes décident de réaliser un atterrissage (apparemment en raison de la surchauffe sur les circuits hydrauliques, sachant que l’avion en possède trois). Dans pareil cas, les hôtesses ré-expliquent l’évacuation d’urgence via les toboggans ainsi que sur la fameuse position crash, des pompiers vont escorter l’avion une fois au sol et une équipe du samu accueillera les passagers. Et comme l’atterrissage d’urgence s’est fait sur l’aéroport de Venise, un aéroport se trouvant au bord de l’eau, la procédure impose d’enfiler le gilet de sauvetage ! La situation est donc totalement sous contrôle, mais les procédures obligent à préparer les passagers au pire, même si l’équipage sait que tout va bien se passer… par contre, il est clair que l’ordre de mettre les gilets de sauvetage a été assez mal vécu par les passagers (et les médias ont parlé d’un crash évité de justesse, ce qui était totalement faux). On ne vous cache donc rien, et s’il y avait le moindre problème vous seriez forcément averti.
Revenons à quelques cas concrets : les PNC et les turbulences. Il arrive que les hôtesses se dépêchent ou qu’elles n’aient pas un sourire radieux. Comme tout le monde, elles peuvent avoir leurs soucis (personnels ou professionnels) ou des passagers difficiles à gérer (l’ultra-exigeant, l’alcoolisé, le bébé qui a mal aux oreilles, celui qui se lève malgré le signal « attachez vos ceintures », celui qui a trop soif pour attendre le service…). Le visage ou l’attitude du personnel de bord ne peuvent jamais vous donner d’indication sur la situation, y compris dans les turbulences. Les passagers et l’équipage les ressentent, le moment n’est agréable pour personne (comme des pavés lors d’un trajet en voiture), mais rappelons qu’elles n’ont jamais fait tomber un avion de ligne en vol de croisière pour les avions de ligne aujourd’hui en circulation.
Car le réel danger dans une turbulence, c’est la chute des personnes qui ne se seraient pas attachées. En avril 2014, un avion d’Air France en partance vers New York avait ainsi traversé une zone de turbulences, provoquant la chute de trois hôtesses qui n’avaient pas encore eu le temps de s’asseoir. L’une d’entre elles ayant une suspicion de fracture, l’avion a du faire demi tour pour revenir se poser à Paris… Il ne s’agissait finalement que d’un bleu pour l’hôtesse de ce vol, mais les médias qui ont relaté l’histoire ont uniquement évoqué le fait qu’un avion avait du revenir se poser après avoir rencontré des turbulences, oubliant de préciser que la raison état médicale. Ce type d’histoire entretient l’idée fausse que les turbulences sont dangereuses pour l’avion. Vous comprendrez donc que les personnels puissent être pressées de s’asseoir lorsque des turbulences sont prévues et qu’ils puissent donc arrêter de sourire à ce moment. D’autant qu’avant de s’asseoir, les PNC vont devoir sécuriser l’avion, c’est-à-dire vérifier que les passagers ont mis leur ceinture et ranger ce qui risque de s’envoler. D’ailleurs, vous remarquerez qu’aucun pilote n’a jamais été blessé dans une turbulence car ceux-ci sont toujours assis et attachés. La turbulence ne signifie donc pas que l’avion est en danger, elles ne sont le signe de rien d’autre que d’un courant d’air qui monte ou descend, et des millions de passagers en rencontrent chaque jour sans la moindre conséquence.
Lors de notre rencontre, le psychologue américain Tom Bunn spécialisé dans la peur de l’avion nous avait expliqué que les phobiques étaient dans une forme passagère de schizophrénie : leurs pensées irrationnelles étaient alors perçues comme une réalité. Il est tout à fait normal d’identifier des signes si l’on y est attentifs et que l’on a une imagination débordante, mais il faut aussi prendre du recul sur cette pensée : les autres passagers de l’avion la jugeraient-ils pertinente ? Ai-je réellement une information que les autres n’ont pas ?
Vous savez maintenant qu’il n’en est rien et que vous seriez avertis au moindre événement. Relaxez vous et laissez-donc le stress aux pilotes et à l’équipage, ils sont payés pour cela 🙂
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Article écrit avec une hotesse d’Easyjet qui a souhaité garder l’anonymat
Très pertinent comme article. Je pense qu’on a tous quelque part au fond de nous une petite phobie pour les avions. Surtout si on prend pour la première fois un avion. Il faut être relax. La technique de mâcher quelque chose est vraiment pratique, cela évite les « pressions » au niveau des auditions qui peuvent être parfois désagréable.