Une vidéo effrayante est en ce moment largement diffusée sur internet : le passager d’un avion filme l’intérieur du moteur dans lequel on voit une pièce manquante qui cogne dans le réacteur et l’éclairage rougeoyant venant probablement d’un pallier en souffrance (sorte de roulement à bille géant). Le morceau détaché est en fait la « casserole », ou cône d’hélice, une partie qui protège le centre de la soufflante du réacteur, là où les ailettes sont attachées (voir vidéo complète en fin d’article)… Il s’agit d’un appareil de type McDonnell Douglas MD88 de la compagnie Delta Airlines (USA), et l’événement s’est déroulé sur le vol DL1425 reliant Atlanta et Baltimore. Le fait que cette vidéo ait été postée prouve que tout s’est bien passé, mais quel est le risque réel lorsqu’une panne moteur survient en vol ?
Voici un moteur complet (et intact) pour pouvoir comparer :
C’est bien le cône central avec sa peinture caractéristique qui est décrochée
Au centre du moteur, on voit la lumière orange correspondant à l’arbre du moteur qui continue à tourner. Le cône n’est pas fondamental pour le fonctionnement du moteur, mais le fait qu’elle soit tombée dans le réacteur est gênant et l’empêche de tourner normalement. Le moteur est dans ce cas mis à l’arrêt, ce qui est prévu : tous les avions sont conçus pour pouvoir continuer voler (et même décoller) malgré la perte d’un moteur. Dans la vidéo, on a l’impression que le moteur tourne encore mais il ne produit en fait aucune poussée : c’est le vent relatif produit par le vol qui le fait tourner, tout comme une éolienne.
Même si l’avion est capable de continuer à voler, décision est prise d’atterrir au plus tôt pour réaliser un atterrissage de précaution. Après une demi-heure de vol, l’appareil se pose donc sur l’aéroport de Raleigh/Durham. On se souvient de la même manière qu’un moteur était tombé en panne sur un A380 d’Air France en septembre 2017 au dessus du Groenland. Tous les exemples modernes d’atterrissage avec un moteur en moins se passent bien, il s’agit d’une situation très rare mais bien documentée à laquelle les pilotes se préparent plusieurs fois par an dans des séances de simulateur de vol. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’avion n’est pas déstabilisé par une poussée dissymétrique, car même si un seul moteur pousse il peut être compensé par la dérive afin de voler parfaitement droit. Dans un tel cas, les passagers pourraient ne rien remarquer puisque l’avion vole normalement, la seule conséquence directe peut être la réduction de la climatisation à bord car l’air que l’on respire dans un avion est celui capté à l’extérieur par les réacteurs (il n’y a pas une réserve d’air finie que l’on embarquerait à bord). Les pilotes vont également allumer l’APU (un moteur auxiliaire se trouvant dans la queue pour générer de l’électricité) est démarré pour récupère tous les systèmes manquants ou fonctionnant plus faiblement… Un dernier détail : dans ce cas il s’agit d’un intérêt sage de précaution, l’équipage doit préparer les passagers au pire même si tout est sous contrôle : on réexplique l’évacuation, on impose la position de sécurité au moment du toucher des roues, l’avion est escorté par les pompiers au roulage… Inquiétant mais réglementaire !
La question qui se pose est donc celui de la cause d’une telle défaillance, mais il faut souligner le bon fonctionnement de l’appareil dans cette situation, la parfaite maîtrise de l’avion par les pilotes ainsi que le professionnalisme des PNC qui ont su rassurer les passagers. Une panne moteur n’est d’ailleurs même pas considérée comme un accident mais comme un incident !
Bonjour monsieur,
Je me permets de rebondir sur cette publication pour vous demander ce que vous pensez des derniers articles concernant les fissures détectées sur les A380.
Est-ce, comme souvent, un non événement trop médiatisé ?
Peut-on prendre ces avions sans crainte, alors même que les inspections n’ont pas encore eu lieu ?
Merci pour votre retour
Bien cordialement,
Thibault
Bonjour Thibault, les nouvelles techniques de suivi des appareils permet justement d’identifier des vieillissements accélérés avant qu’ils ne soient problématiques. En sécurité aérienne, on fait toujours en sorte d’avoir des prévisions et de vérifier si elles sont justes. Si au bout de 10 ans, les longerons ont vieilli comme ils auraient du l’être au bout de 15 ans, alors on est sorti des normes et il faut faire es vérifications. On est très loin d’un danger (s’il y avait un risque la flotte serait interdite de vol), il faut simplement valider le fait que le vieillissement est plus rapide que prévu mais maîtrisé. La prochaine grande visite sera alors l’occasion de changer les pièces si nécessaire, mais il n’y a dans tous les cas pas d’urgence. Je rappelle au passage que seuls les tout premiers exemples sortis d’usine (sur plus de 300 appareils en circulation) sont touchés…