Jusqu'ici, le profile de descente de l'avion Air Asia qui s'est abimé en mer le 28 décembre portait à croire que l'avion avait décroché... même si cette éventualité semblait la plus probable, elle était très étonnante au vu des procédures mises en places après l'accident du Rio Paris en 2009, qui devaient notamment empêcher tout nouveau décrochage. Plusieurs éléments nous parviennent aujourd'hui, apportant des explications supplémentaires.
Tout d'abord il faut savoir que les avions de ligne Airbus possèdent des protections de leur domaine de vol qui les empêchent de se mettre dans une situation dangereuse, par exemple en volant trop vite, trop lentement ou en se rapprochant de la situation de décrochage* (voir l'article dédié au sujet en cliquant ici). Il apparaît que le Flight Augmentation Computer, un ordinateur qui gère notamment le pilotage automatique de l'avion et qui existe en deux exemplaires, connaissait depuis plusieurs jours des problèmes techniques. Lorsqu'une panne survient, le co-pilote continue à piloter l'avion, et le commandant de bord (CdB) gère la panne, c'est la règle. Après avoir tenté de réinitialiser le FAC normalement (via un simple bouton), le CdB s'est apparemment levé pour déconnecter le breaker situé dans le cockpit et qui gère l'alimentation de ce système. Les pilotes sont tout à fait capables de piloter un avion sans ces assistances, mais la déconnexion ce système aurait également inhibé les protections du domaine de vol. Aucun soucis donc si l'on vole normalement.
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Illustration du coffin corner : plus on vole haut, plus le domaine de vol se réduit[/caption]
Sauf qu'à cet instant précis, l'avion vole à 32.000 pieds et est en train de prendre de l'altitude pour éviter une zone de turbulences. La prise d'altitude est rapide (1700 pieds en 6 secondes) jusqu'à atteindre un niveau de 37600 pieds. Plus un avion vole haut, plus son domaine de vol est restreint (voir le principe du coffin corner dans l'illustration ci-contre oudans cet article), et cette prise d'altitude s'accompagne logiquement d'une diminution de la vitesse. Logiquement, l'avion aurait du refuser de ralentir trop, en se remettant à plat par exemple, mais avec la déconnexion du système d'alimentation électrique du FAC la protection n'a pas fonctionné...
Ces nouvelles informations sont des fuites, donc non confirmées ou validées, mais elles apportent (enfin) une réponse techniquement crédible. Le rapport officiel affirme par ailleurs que l'avion fonctionnait convenablement d'un point de vue technique à ce moment, car il reste en effet pilotable sans le système de pilotage automatique. Il ne s'agit pas non plus d'un problème lié à la météo, puisque celle-ci n'a provoqué aucun dysfonctionnement. On est donc sur un hasard incroyable où un avion ralentit au dela du raisonnable au moment exact où sa protection ne fonctionne pas...
Cet accident est donc la conséquence d'un cumul d'actions et de circonstances tout à fait exceptionnelles, et ne remet en rien en cause la formation des pilotes ou la qualité des Airbus A320 qui, doit-on le rappeler, réalisent plus de 10 000 trajets par jour sans le moindre incident...
Voir mon intervention sur le sujet sur LCI :
* Pour plus de simplicité, nous ferons le raccourci "voler trop lentement = décrochage".