Crash EgyptAir MS804 : comment l'Egypte essaye d'orienter l'enquête

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Crash EgyptAir MS804 : comment l'Egypte essaye d'orienter l'enquête
Sécurité aéronautique
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18/3/25 13:30
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Velina Negovanska

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Même si le crash MS804 ne fait plus la Une des médias, son actualité est riche en rebondissements. Lorsque l'avion de la compagnie EgyptAir devant réaliser la liaison Paris - Le Caire a disparu dans la nuit du 19 mai 2016 avec ses 66 occupants, tout indiquait qu'il s'agissait d'une rupture instantanée des communications (coupure des émissions du transpondeur, pas d'émission radio...). Dans pareil cas, c'est la thèse de l'attentat à l'explosif qui est naturellement privilégiée, rien ne pouvait faire exploser un avion en plein vol. Thèse soutenue dès lors par les autorités égyptiennes.

Quelques jours plus tard, une fuite dans la presse révèle que l'avion a en réalité émis des messages de dysfonctionnement techniques entre 00h27 et 00h29 avant d'arrêter d'émettre, rendant caduque la thèse de l'explosion. D'après les radars grecs, l'avion aurait même continué à voler à son altitude de croisière jusqu'à 00h37 avant d'entamer un virage et une descente. Les informations émises via le système de communication ACARS et confirmées par les enregistrements de la boite noire indiquent qu'un incendie s'est déclaré dans l'avion, provoquant plusieurs dysfonctionnements. Les débris repêchés portent par ailleurs des trace de combustion et de suie.

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L'Egypte a utilisé des avions de patrouille maritime pour retrouver les débris flottants

L'Egypte a utilisé des avions de patrouille maritime pour retrouver les débris flottants[/caption]

Mais le crash ayant eu lieu dans l'espace aérien égyptien, c'est ce pays qui est responsable des investigations, et malgré l'évidence c'est la piste de l'attentat qui continue à être soutenue... Les responsables des investigations doivent normalement remettre un rapport d'enquête préliminaire dans le mois qui suit l'accident, comme le prévoit l'annexe 13 du règlement de l'OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale), mais rien n'a été diffusé six mois plus tard malgré l'analyse des boîtes noires réparées par le BEA (Bureau d'Enquête et d'Analyse) français, une source pourtant riches d'informations. Il faut savoir que l'Egypte est réputée pour ses enquêtes aéronautiques partisanes. Trois accidents aériens ont touché l'Egypte ou à des compagnies du pays au cours des dernières décennies : le vols 990 Egypt Air en 1999, le vol 604 Flash Airlines en 2004 et le vol 9268 de MetroJet en 2015. Tous les rapports d'enquête ont systématiquement tenté de dédouaner les autorités nationales, allant jusqu'à s'opposer aux conclusions des investigations officielles conduites par les autres pays... Et cette fois encore, on a l'impression que c'est à partir d'une conclusion préétablie que toute l'enquête est menée...

Contre toute attente, l'Egypte annonce l'identification de traces de TNT sur les débris repêchés, traces qui n'avaient pourtant pas été relevées par le BEA lorsqu'il avait fait ses premières analyses. Une telle situation n'offre que trois options :

1) il s'agit bel et bien d'un attentat et la France serait en cause puisque l'avion a décollé de Roissy. Il apparaît cependant que cet explosif, très courant dans les armes de guerre et les grands chantiers, est inutilisé par les terroristes qui lui préfèrent le TATP, moins détectable tout en étant plus simple à confectionner et à mettre à feu... Il est néanmoins possible que le TNT soit mal déclenché et qu'il prenne simplement feu, mais dans ce cas les traces ne devraient être détectées que sur quelques débris issus d'emplacements très proches dans l'avion et sur lesquels le TNT aurait été placé.

2) les traces viennent des restes d'un exercice réalisé par des démineurs et ne sont pas en cause dans l'accident. Ce fut par exemple le cas pour le vol 800 de la TWA aux Etats-Unis en 1996 pour lequel les résidus ne correspondaient qu'à un entraînement réalisé par les équipes de détection d'explosifs un mois avant l'accident.

3) les enquêteurs ont eux-même placé ces traces de TNT afin de faire accuser Paris et dissimuler une responsabilité de la compagne aérienne...

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C'est l’Institut de France pour la Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) qui a été chargé de valider les analyses chimiques égyptiennes. Les traces de TNT existent bel et bien sur les débris présentés, mais d'après un proche de l'enquête, leur signature est plus qu'étonnante. Chaque TNT possède ses propres caractéristiques chimiques, ce qui permet habituellement d'en déterminer le concepteur. Or ce TNT correspondrait à 100% à la signature chimique de référence utilisée par les enquêteurs pour calibrer leurs outils ! Un tel hasard n'existe pas... d'autant que les autorités égyptiennes ont refusé aux gendarmes français l'accès aux autres scellés sur lesquels des analyses complémentaires auraient pu être réalisées.

L'étude (confidentielle) montre par ailleurs que les débris retrouvés sont de toute petite taille. Lors d'une explosion en vol, de larges pans de l'appareil arrivent au sol en un seul morceau et subissent un choc correspondant à la vitesse de chute libre, soit environ 250 km/h. C'est par exemple ce qui a été observé pour les débris du vol MH17 abattu par un missile russe au-dessus de l'Ukraine. Dans le cas de l'avion d'EgyptAir, c'est le contraire et les débris sont de toute petite taille (même la boite noire était en plusieurs morceaux !), ce qui indique que l'appareil avait beaucoup de vitesse au moment de son impact avec la mer, probablement autour de 800 km/h. Une telle vitesse indique que l'avion était encore entier et piquait vers l'eau, il n'a donc pas explosé en vol.

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Ce sont deux sociétés françaises, Alseamar puis Deep Ocean Search qui ont réussi à détecter les boîtes noires puis les remonter... Pourtant, tout le "champ de débris" n'a pas été investigué...

Ce sont deux sociétés françaises, Alseamar puis Deep Ocean Search, qui ont réussi à détecter les boîtes noires puis les remonter... Les corps des victimes ont ensuite été récupérés, mais de nombreux débris sont restés sur les fonds marins... Image F Assema Yousseee[/caption]

Tout indique donc que l'Egypte cherche à travestir la réalité, sans compter le refus obstiné du pays de continuer à repêcher les débris au fond de l'eau, la société Deep Ocean Search n'ayant reçu pour seule mission que la remontée des boîtes noires et des restes humains... Jusqu'à présent, les corps des victimes n'ont par ailleurs pas été remis aux familles de leurs proches, certains évoquant le fait que l'analyse de ces corps pourrait prouver que le décès est consécutif à un choc et non à une explosion...

Mais s'il s'agit bien d'un accident consécutif à un incendie, il est étonnant qu'Airbus ne soit pas utilisé comme bouc émissaire... Des dizaines de milliers de vols sont réalisés chaque jour dans le monde sur Airbus A320, il est donc fondamental de pouvoir connaître l'origine du feu. C'est là qu'un troisième correspondant m'a donné une information capitale. L'incendie aurait en particulier fait brûler la partie latérale droite du cockpit au niveau des fenêtres, un emplacement dépourvu de tout élément électrique. S'agit-il d'un équipement extérieur à l'avion qui aurait été placés à cet endroit et qui a pris feu ? Cet éventuel équipement a-t-il été homologué par Airbus ? Le pilote utilisait-il par exemple une tablette tactile ? Un pilote m'a confié ses soupçons envers "l'explosion ou l'inflammation brutale de la batterie associée au lecteur de carte type iPad installé au cockpit"...

Quoi qu'il en soit, les pilotes avaient-ils suivi les entraînements réglementaires pour faire face à un incendie ou voler de nuit en emergency electrical configuration ? Avaient-ils bien à leur disposition les gants ignifugés prévus pour évacuer un éventuel feu de batterie ? L'incendie qui se déclare dans le cockpit ne peut en tous cas plus être éteint... D'après l'analyse des données connue, il est presque certain que l'incendie touche le BUS électrique numéro 2 situé dans la soute avionique sous le cockpit. La perte de cette alimentation correspond à toutes les pannes émises via le système ACARS (calculateur d'affichage d'informations sur l'écran des pilotes, système lié à des aérofreins) ainsi qu'à l'arrêt des enregistrements par la boîte noire technique (celle-ci étant nourrie par le un calculateur alimenté par ce même BUS)...

Espérons que l'Egypte prendra pleinement conscience de son rôle et acceptera une transparence totale dans son enquête. Le BEA, dont l'action se réduit jusqu'ici au rôle d'expert technique, ne peut officiellement pas mener l'enquête si l'on suit les conventions en vigueur, mais il serait certainement bienvenu de passer outre ces conventions puisque l'Egypte ne les respecte pas... Il est primordial de voir l'enquête avancer librement et de manière scientifique, la sécurité aérienne ne pouvant reposer sur des volontés politiques. La confiance dans l'aérien et dans un pays se construit par la transparence.

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