Ecrit le 19 Aout 2018
Les personnes qui ont peur de l’avion tentent de se rassurer en regardant la météo… Elles analysent donc la météo disponible pour le grand public, celle qui est présentée à la télévision ou dans les grands médias, avec des prévisions jusqu’à 15 jours à l’avance.
Mais ce type de météo n’a aucun intérêt en aéronautique ! Le fait qu’il y ait du vent, des nuages ou de la pluie sur une région n’a aucune incidence sur la sécurité ou le confort d’un voyage, mais en plus, le fait d’avoir ce type de prévision est (presque) toujours inquiétant… car sur un trajet il y a toujours un endroit où la météo au sol ne sera pas parfaitement clémente.
Rappelons tout d’abord que les avions volent au-dessus des nuages classiques, que le vent que l’on perçoit au sol n’est absolument pas le même qu’en vol de croisière (où l’on cherche volontairement à rentrer dans des vents pouvant atteindre 300 km/h !), ou qu’une température extrême au sol ne change rien en altitude (on vole toujours dans une atmosphère à -52°C).
Les infos météo sont donc valables uniquement au sol, donc pour le décollage et l’atterrissage… Mais même à ces moments elles ne sont pas assez fiables pour les avions, puisqu’il suffit qu’une averse traverse le ciel sur une ville pour que les prévisions indiquent de la pluie sur toute une demi-journée… Prenons l’exemple des orages.
On voit parfaitement le nuage à éviter. Merci à Pascal Roussel d’Air France pour la photo (https://twitter.com/pascalrs/ sur Twitter)
Les orages sont en fait des phénomènes météo très courants générés par un nuage assez spécifique : le cumulonimbus. Les cumulonimbus génèrent des turbulences fortes, des pluies intenses, de la grêle, de la foudre, des phénomènes givrants… autant d’éléments que l’on souhaite éviter à l’avion et à ses passagers (même si l’appareil est conçu pour résister à ces éléments), et on n’entre donc pas dans le nuage : on le contourne.
Ces nuages ne constituent pas des murs infranchissables : ils se déplacent par grappe ou sont totalement isolés, comme on le voir sur la photo ci-dessus. On voit bien le nuage à l’œil nu ce qui le rend très facile de le contourner, et il apparaît en rouge sur le radar météo (comme on le voit ci-dessous dans le cockpit d’un Boeing 777). On voit bien que c’est le seul nuage orageux sur toute la zone, le radar météo ayant une portée de plus de 400 km. TOUS les avions de ligne sont équipés de tels radars.
Le radar météo présent dans le nez de l’avion indique la position des orages, ainsi la direction et la force du vent… Cela indique de quel côté du nuage se trouvent les éventuelles turbulences
On voit bien le nez relevé de ce Boeing 737, c’est là que se niche le radar météo des avions de ligne (photo prise dans l’usine de Seattle)
Mais pour la météo disponible pour le grand public, il suffit qu’un de ces nuages isolés traverse une région et l’on aura une prévision indiquant des orages sur la région. Et tous ceux qui ont peur de l’avion se poseront donc la question de renoncer à leur vol… On le voit sur l’image radar, on peut ici éviter l’orage sans même avoir à réaliser un virage, mais ceux qui ont regardé la météo ont eu l’information que des orages étaient dans la zone et se sont donc inquiété pour rien.
Avant leur décollage, les pilotes reçoivent un dossier de vol contenant un briefing météo complet, ils savent donc dans quelles régions ils risquent de trouver ces nuages. Ils peuvent dès lors modifier leur plan de vol, ou ajouter du carburant au cas où le contournement d’un nuage serait nécessaire. Ce n’est qu’à proximité du nuage qu’ils décideront de la trajectoire réelle.
Sur le schéma ci-contre, le trajet direct passe par un cumulonimbus (en rouge). Vu le sens du vent, les pilotes savent que la zone de turbulence se trouvera à droite des nuages (en orange).
Le trajet 2 semble le plus court, mais il traverse la zone de turbulences probables et les pilotes choisiront la trajectoire 1. Même s’il est possible de ne rencontrer aucune turbulence sur cette trajectoire, il y aura quelques turbulences résiduelles liées au cumulonimbus sur la gauche du schéma. Les pilotes activeront donc le signal « Attachez vos ceintures », les PNC prépareront la cabine pour que rien ne tombe puis ils iront s’asseoir (comme c’est toujours le cas dans toute prévision de turbulences).
Les pilotes réduiront peut-être leur vitesse de vol pour diminuer l’effet des éventuelles turbulences (ne soyez donc pas étonné d’une variation du bruit des moteurs).
Dernier point : le radar météo permet même de voir les nuages en formation, on ne pourra donc pas être surpris par un orage, d’autant que ceux-ci n’apparaissent pas en quelques secondes. Bref, une prévision d’orage à la télé ne veut pas dire que votre avion va croiser un orage, et encore moins qu’il va y avoir des turbulences. Et petit message de la part d’un commandant de bord aux 20.000 heures de vol :
Ne cherchez donc pas à interpréter la météo qui nous gêne en tant que piéton, des conditions désagréables ne sont pas forcément défavorables, et les pilotes ne prennent dans tous les cas pas le moindre risque. Les météorologues des aéroports et les pilotes s’intéressent déja aux conditions météo de votre vol et ils savent qu’ils n’auront aucune information fiable plus de 24 heures à l’avance. De votre côté, voyagez heureux et laissez les professionnels analyser la situation, vous ne disposez ni des informations ni des compétences pour interpréter la situation de manière objective. D’autant que quand on a peur de l’avion, on manque quelque peu d’objectivité, n’est-ce pas ?