Environ 50% des personnes ayant peur de l'avion ont déjà tenté les médicaments, et parmi ces médicaments, les anxiolytiques. La semaine dernière, une ancienne stagiaire qui reprenait l'avion pour la première fois depuis 26 ans m'a téléphoné après son atterrissage pour me dire que son vol s'était très bien passé à sa grande surprise. Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui est le fait qu'elle ait pris un anxiolytique au moment de s'installer dans son siège, et que cela a eu un effet sur son stress presque immédiatement. En réalité, le temps qu'un médicament se décompose et ait un effet prend entre 30 et 45 minutes. Comment celui-ci a-t-il pu lui apporter un soulagement si rapidement ? Il y a deux explications.
La première raison, que tout le monde connaît, est l'effet placebo. La deuxième est liée au fait de prendre une décision, de pouvoir agir. Le psychiatre américain Bessel Van der Kolk a fait de nombreuses recherches sur les liens entre la mémoire et les événements traumatiques (comme les turbulences pour les phobiques de l'avion). L'une de ses études a montré que lorsqu'une personne fait une crise d'angoisse, le fait de réaliser une action, quelle qu'elle soit, a un effet sur son niveau d'anxiété.
Lorsque la partie du cerveau appelée l'amygdale donne l'alerte ("oh mon Dieu, l’hôtesse ne sourit pas, l'avion va se crasher !!!"), elle actionne le "système de mobilisation" qui provoque un besoin de s'échapper. Nous autres, humains, avons la chance d'être doués d'un cortex muni de fonctions exécutives qui nous donnent d'autres options.
La fonction exécutive commence par évaluer la situation afin de déterminer si la menace est réelle ou s'il s'agit d'une fausse alarme. Dans ce deuxième cas, l'anxiété revient à la normale. Mais si le danger est réel ou si une personne souffre d'une phobie, le signal "c'est normal, ne t'inquiète pas" ne se déclenche pas, et chaque bruit ou mouvement de l'avion envoie alors plus de signaux d'alarmes. Dans cette situation, la fonction exécutive réalise deux actions :
1) Elle cherche une solution au problème, qui peut être de se confronter à la menace ou de la fuir.2) Elle prend une décision, ce qui a pour effet de faire redescendre l'anxiété
Étant donné qu'il est impossible de s'échapper de l'avion, le cerveau pense qu'il va devoir se confronter au danger, et il envoie de l'énergie dans les muscles. C'est ce signal qui provoque notre envie irrépressible d'écraser les accoudoirs.
Dans le cas de notre stagiaire, une troisième décision était possible : prendre un médicament. Et elle a pris cette décision. C'est bien le fait de pouvoir prendre cette décision, d'être capable de faire ce choix, qui a permis de faire rebaisser le niveau de l'anxiété. Le stage auquel cette personne avait participé l'avait déjà préparé à reprendre l'avion, et le voyage s'est finalement bien passé. Mais cette capacité de prendre une décision est sans aucun doute un élément qui permet de faire baisser l'anxiété avant le décollage.