Le 13 février dernier, le vol de la compagnie low cost française Transavia entre Lyon et Tel Aviv a rencontré des turbulences en air clair (donc non prévisibles) et quelques passagers non attachés ou debout au moment des faits se sont blessés (des chocs à la tête et aux membres principalement). Les faits ne sont d'aucune gravité, des médecins présents à bord ont vérifié que les personnes tombées n'étaient pas en danger et l'avion a donc continué son trajet jusqu'à destination sans devoir se dérouter, comme cela peut être le cas sur une réelle urgence médicale.Mais des blogs et journaux de deuxième division reprennent alors en boucle les dires du média israélien Aroutz 13 : "l’appareil se serait retourné et aurait fait une chute de 700 m avant de se rétablir." Voilà typiquement le genre de chose que l'on retrouve ensuite sur tous les forums de phobiques de l'avion ou en commentaire des articles... Sauf que ce vol, comme tous les trajets, envoie en permanence ses informations d'altitude et de vitesse et que ces informations sont disponibles en source ouverte sur des sites comme flightradar24 ou flightaware... Voici donc la courbe d'altitude (en jaune) et de vitesse (en bleu) de ce vol :
La vitesse connaît de petites évolutions liées aux courants d'air que l'avion va rencontrer en vol. Un appareil qui se déplace à 460 noeuds (c'est sa vitesse air) dans une masse d'air se déplaçant de 20 noeuds avancera ainsi à 480 noeuds (sa vitesse sol). Quand le courant d'air s'affaiblit ou change d'angle, la vitesse de l'avion par rapport au sol évolue légèrement même s'il continue toujours à voler à 460 noeuds dans la masse d'air.La courbe d'altitude est pour sa part parfaitement droite, avec deux variations de 600 mètres (soit 2000 pieds) à 14h30 puis 15h22. Cela correspond à des changements de niveau du FL370 vers le FL350, puis inversement, ce qui est normal dans ce type d'espace aérien. La première descente est réalisée en 2min30 (les données ne sont mises à jour que toutes les 30 secondes) ce qui est loin d'être excessif : le taux de descente avant l'atterrissage est par exemple deux fois plus élevé. Les pilotes ont réalisé une descente stabilisée pour changer de couche et sortir des turbulences, l'objectif étant de voler à une altitude plus calme. S'il s'était s'agit d'une urgence ou d'une chute comme prétendu par les médias, le rythme aurait été bien plus intense : pour une descente d'urgence il est possible de descendre jusqu'à 5 fois plus vite que les 1000 ft/minute observés !Quand on entre dans le détail, on voit par contre que l'avion a pu rencontrer des montées ou descentes de 4 mètres maximum sur des périodes de 30 secondes.[caption id="attachment_2613" align="aligncenter" width="852"]
La colonne de droite donne les indications de taux de montée ou de descente sur une minute, or la donnée est sur 30 secondes. Un taux de +8 mètres par minute signifie en fait que l'avion est monté de 4 mètres sur les 30 secondes considérées.[/caption]Les valeurs ne sont pas précises ni très exactes et il s'agit de taux de montée ou descente par minute mis à jour toutes les 30 secondes... 7 ou 8 mètre par minute étant la plus petite variation possible, une variation réelle de 3 mètres / minute peut se traduire par un affichage de 8 mètres. Et avec une mise à jour seulement toutes les 30 secondes, la variation réelle est encore deux fois plus faible. La tendance est cependant là : on voit bien que le vol ne subit pas la moindre variation d'altitude (et donc pas de turbulence) pendant la très grande majorité du vol, puis il y a ces moments où l'avion gagne quelques mètres puis redescend (entouré en rouge sur le tableau ci-dessus) pour garder toujours exactement la même altitude, jusqu'à choisir de changer de niveau.N'oubliez pas qu'une turbulence de quelques dizaines de centimètres vers le haut peut provoquer une sensation de descente beaucoup plus importantes : notre corps nous ment. En voiture, si vous prenez un dos d'âne de 20 cm à 100km/h, il est probable que vous vous cogniez au plafond. Alors imaginez cette même bosse de 20cm mais prise à 800 km/h : elle peut faire tomber les passagers. Les plus grosses variations lors de ce vol n'ont pas dépassé quelques mètres au maximum et l'appareil n'a jamais été en danger. Si un avion subissait des acrobaties comme celles imaginées dans l'article, il dépasserait forcément un facteur de charge de 2,5G à partir duquel l'avion est cloué au sol et une inspection devient obligatoire avant de repartir. Il n'en fut rien, l'avion a pu repartir normalement en toute sécurité après un contrôle renforcé.Un des passagers de ce vol assis en queue de l'appareil, Rephael, a eu la gentillesse de me contacter pour apporter davantage de précisions sur la situation réelle dans l'avion. Tout le monde à bord a été surpris par les turbulences, le signal "attachez vos ceintures" étant éteint (ce qui est logique sur ce type de turbulences imprévue). Les personnes non attachées (passagers et PNC) se sont cognées au plafond et se sont fait mal en retombant. Les PNC ont ensuite vérifié l'état de chacun des passagers et l'avion a été accueilli par des équipes de secouristes et des ambulances une fois posé. Tous les passagers ont eu le choix de se rendre à l'hôpital ou de quitter l'aéroport normalement. Ceux qui le souhaitaient ont donc été conduits à l'hôpital pour des contrôles complémentaires, et certaines personnes souffrent encore des côtes et des mains plus de 10 jours après l'épisode.Pour conclure, retenez que les turbulences ne peuvent pas faire tomber les avions ni les casser, elles peuvent être impressionnantes et désagréables mais les sensations ressenties sont simplement fausses et exagérées. Les sensations de chute sont accentuées par la vitesse réelle de l'avion, surtout lorsque les pilotes choisissent de changer d'altitude pour sortir d'une couche turbulente. Après son retour en France, l'avion s'est rendu à Orly, certainement pour y réaliser des contrôles complémentaires sans attendre l'inspection classique qui doit être conduite à échéances régulières.[Article mis à jour après échange avec Rephael, passager de ce vol, et des pilotes de Transavia et de Boeing737]Capture d'écran de l'article de TelAvivre, le commentaire sous la photo est également faux : "Transavia est une compagnie aérienne allemande base à Amsterdam"... Non, Transavia est la filiale low cost d'Air France, elle est basée en France... Pour le reste, vous avez déja la réponse ;)